Merci de m’avoir fait mal, de Dixie Ettedgui : apprendre à s’aimer

J’ai décidé qu’aujourd’hui je passerai une bonne journée,
Que demain,
Et tous les autres jours aussi.
Je suis heureuse d’être la personne que je réveille chaque matin,
Prête à semer sa joie de vivre.

J’ai été irrésistiblement attirée par ce petit recueil, à la fois par sa couverture (on comprend pourquoi) et par le propos.

Il s’agit du journal-poème d’une jeune fille, qui apprend à s’aimer à travers la déception amoureuse (mmmhhh, est-ce que cela ne nous rappellerait pas quelqu’un ?). Des poèmes très courts, qui disent le mal-être, la solitude, le chagrin, mais aussi le voyage vers soi et l’acceptation de qui on est. La fêlure de la douleur qui fait passer la lumière.

Une très jolie découverte : c’est très bien écrit, émouvant et juste, parsemé de très très belles trouvailles, et l’ensemble m’a beaucoup rappelé Rupi Kaur. Ma seule petite réserve va à la mise en page (attention, je vais devenir intransigeante) : les premières pages sont numérotées et comportent un haut de page alors qu’elles ne devraient pas, et il manque les informations légales. Ce qui n’est pas grave du tout évidemment pour la lecture, ce sont des remarques techniques, mais à corriger pour une prochaine édition !

Donc, un très joli recueil, très court mais qui dit tout ce qu’il avait à dire, et une plume à découvrir !

Merci de m’avoir fait mal
Dixie ETTEDGUI
Dixie Ettedgui, 2021

Le Cercle du Karma, de Kunzang Choden

La dette karmique

Tu me connais. Les hommes, le sexe, je ne veux même plus y penser. J’ai eu assez de souffrances pour plusieurs vies, à cause d’eux.

Je ne sais plus du tout par quel biais le destin a fait parvenir ce roman jusqu’à ma PAL mais une chose est sûre, c’était un jour de karma positif, parce que j’ai vraiment adoré, et il s’agit à nouveau d’un gros gros coup de cœur (je suis bénie en ce moment, je ne lis que des romans qui me transportent, d’autres sont à venir). Je m’excuse à l’avance pour les augmentations exponentielles de PAL dont je pourrais être responsable.

Lorsque l’histoire commence, Tsomo, l’héroïne, a soixante-dix ans et estime que les hommes (au sens d’être humain de sexe masculin) lui ont apporté assez de souffrances pour plusieurs vies. Le lecteur (plus exactement la lectrice, qui pourrait dire la même chose même si elle est loin d’avoir cet âge) est intrigué : que s’est-il donc passé dans sa vie (présente) pour qu’elle en arrive à cet amer constat ?

Cette vie, c’est justement l’objet du récit qui va suivre.

Tsomo vient au monde dans un lieu et un temps où être une fille n’offre pas un horizon de possibilités très stimulant, et pourtant, à sa naissance, l’astrologue consulté prédit qu’elle ne tiendra pas en place et voyagera beaucoup. Il affirme aussi qu’elle n’a pas accumulé beaucoup de mérites dans ses incarnations précédentes, et qu’elle aura une vie de souffrance. Et c’est bien ce qui va se réaliser pour la pauvre Tsomo, qui n’aura de cesse d’aller de désillusion en déception.

Et pourtant elle avance, traçant le chemin de son existence et épurant son karma…

L’apprentissage par les épreuves

Quelle merveille ! Tout est passionnant dans ce roman !

D’abord, il est très enrichissant d’un point de vue culturel : il faut dire qu’on n’a guère l’habitude de lire des romans bhoutanais, et on en apprend beaucoup sur les croyances, les modes de vie, le bouddhisme, les divinités, le karma, autant de sujets qui m’intéressent beaucoup.

D’un point de vue plus personnel, c’est un très beau et original roman d’apprentissage, une quête initiatique qui permet de se poser beaucoup de questions et d’apprendre sur soi. Tsomo est « en quête d’elle-même ». On apprend surtout des épreuves et du malheur, dit le Bouddha. « Ce qui ne me tue pas me rend plus fort« , dit le philosophe (Nietzsche en l’occurrence). Et le courage de Tsomo est admirable, car malgré les épreuves, elle reste forte, ne tombe jamais dans le désespoir, et le roman n’est jamais larmoyant, bien au contraire.

Bref, une très belle leçon de vie, un roman passionnant qui fait voir du pays, une plongée dans une culture mal connue… que demander de plus ?

Le cercle du karma (lien affilié)
Kunzang CHODEN
traduit par Sophie Bastide-Foltz
Actes Sud

Sous le charme de Lillian Dawes, de Katherine Mosby

Les gens ne sont pas des noix qu’on ouvre d’un coup.

Apprendre à connaître quelqu’un est un plaisir à savourer, comme du chocolat. On ne peut pas l’avaler tout rond, il faut le laisser fondre lentement afin que le palais en goûte chaque infime nuance. De plus, la confiance se gagne.

Quel bonheur que cette lecture, une véritable bouffée d’air frais et de fantaisie.

A dix-sept ans, Gabriel, le narrateur, est renvoyé de son pensionnat et expédié chez son frère Spencer. Les deux frères, qui ont dix ans d’écart, apprennent à cette occasion à mieux se connaître, et Gabriel s’adapte très vite à la vie de bohème littéraire, où le dilettantisme est érigé en véritable art de vivre, que lui propose son aîné. Et puis, surgit dans leur vie Lillian Dawes, qui la changera à jamais.

L’insondable mystère des êtres qui nous entourent

Franchement, je le redis, ce livre est un véritable bonheur. C’est un roman d’initiation comme je les aime : le narrateur évolue beaucoup au contact de la jeune femme, il apprend sur la vie, les coïncidences ont un rôle d’ailleurs très important, ainsi que les livres et la littérature.

Beaucoup de réflexions sont très justes sur la connaissance que nous pouvons avoir ou non des êtres qui nous entourent, et le personnage de Lillian le montre bien. D’abord parce que ce n’est pas son vrai nom, elle est pourvue de multiples identités, ce qui fait qu’on se pose beaucoup de questions. Elle est excentrique, un peu folle, elle sème le doute, c’est une mystérieuse qui entretient le mystère. Complexe et fascinante, elle enflamme l’imagination des hommes, c’est une sorte de fée, qui met de la magie et de l’enchantement dans la vie des autres.

Mais c’est surtout la reine du trompe-l’œil, au sens strict comme au sens figuré, car tout cela cache une grande fragilité. Bref, elle m’a beaucoup rappelé la Holly Golithtly de Breakfast at Tiffany’s, et il est évident à la lecture qu’il y a un lien d’intertextualité très fort entre les deux romans !

Bref, un roman que je conseille sans aucune restriction, car c’est un véritable coup de cœur !

Sous le charme de Lilian Dawes (lien affilié)
Katherine MOSBY
Folio (édition non disponible) / Quai Voltaire 2019