La traversée de nos rêves, d’Andreea Badea : apprendre à vivre

Le mal du pays l’a saisi par surprise, comme dans un coupe-gorge. C’était le 25 décembre 1989. Il regardait les informations à la télévision de sa chambre sous les combles lorsqu’il a reconnu leurs visages sur l’écran. Ils ressemblaient à deux petits vieux au pied du mur, Elena, Nicolae, le jour du Jugement dernier. Le procès s’était tenu le matin même, dans une pièce sinistre et jaunâtre, à Târgoviste. Le couple Ceausescu se retrouvait isolé dans un coin ; une table et plusieurs chaises faisaient rempart. Les chefs d’accusation pleuvaient : crime contre le peuple roumain, génocide, obscurantisme. Par leur faute, les camarades avaient été affamés, tenus dans le froid et le noir. Andrei s’est souvenu.

Ce roman, c’est un peu une fierté pour moi : lors du premier Mazarine Book Day, j’avais eu un coup de cœur pour le projet d’Andreea (et j’étais assez confiante puisqu’à la fin de mon article sur cette journée, j’avais écrit : l’idée que peut-être un de mes coups de cœurs, dans quelques mois, et bien vous pourrez le lire parce qu’il sera devenu un livre, ça me met en joie), et j’ai été extrêmement heureuse d’apprendre que je n’avais pas été la seule à l’aimer, et qu’elle était lauréate de cette première édition. Il aura fallu attendre de longs mois, mais quel plaisir de tenir enfin ce roman entre mes mains ! Et quel roman !

Peu après leur rencontre à l’été 1986, qui leur a permis de nouer une profonde amitié, Andrei et Silvia, avides de liberté dans un pays dont le régime oppressif se durcit de jour en jour, sont obligés de fuir et, comme beaucoup, se réfugient à l’ouest. Pressés de vivre, ils sont pourtant très vite séparés, et chacun se retrouve seul dans cette nouvelle vie…

Un très bon premier roman qui, par sa construction narrative parfaitement maîtrisée, nous offre tout un pan d’Histoire à travers celle de ses deux héros, et l’évocation de la Roumanie sous et après Ceausescu est absolument passionnante et très instructive, d’autant qu’elle a éveillé chez moi des souvenirs à la fois vagues et précis de cette période, même si je ne comprenais pas ce qui se passait. J’ai beaucoup apprécié aussi l’aspect dialogique, autour de deux conceptions du monde et de ce qu’il faut faire pour le changer, Andrei et Silvia n’ayant pas les mêmes idées.

Mais au-delà de la grande histoire, c’est l’intime de ces deux êtres qui m’a touchée : l’exil, et les choix — ce que l’on fait de sa vie et qui est parfois en discordance avec ses désirs profonds, la volonté de prendre de nouveaux départs. L’idée, surtout, qu’il faut d’abord se trouver soi avant de pouvoir trouver l’autre et que les âmes-soeurs sont celles qui s’aident l’une l’autre à grandir, même si elles sont séparées. Et qu’elles finissent par se retrouver si elles savent s’attendre.

Bref : un très beau roman, et une nouvelle auteure à découvrir !

La Traversée de nos rêves
Andreea BADEA
Mazarine, 2018

1% Rentrée littéraire 2018 – 19/6

En mots et en image : Mars 2018

Les mots…

Mars, mois du printemps et de mon anniversaire // Les figures du discours amoureux selon Barthes. Se sentir normal dans sa folie // J’aime // Soirée entre amis // Rires et joie // Il est où ton amoureux ? // Giboulées (dehors et dedans) // Jamais je n’ai autant écrit de ma vie // Home // Un autre titre (qui ne fait pas l’unanimité, mais passons) // Dans ma bulle // Amour et psychoses // Ecrire et aimer, (et lire), cela me suffit pour vivre // Ecrire dans mon lit grâce à mon nouvel ordinateur portable que j’aime à la folie // Obsession // 40000 mots // Comme un air de printemps avec quelques jours d’avance // Prendre soin de moi pour cette nouvelle étape // Un week-end fou // Du soleil, de la pluie et de la neige // Une inauguration pleine de (beau) monde // Une journée d’anniversaire toute douce, un petit déjeuner au Flore, les allées de Livre Paris, de belles discussions, des dizaines de messages mais surtout un, de l’aligot à gogo // Un tournoi des influenceurs // Un troisième Mazarine Book Day et un nouveau surnom, le trèfle à quatre feuilles. Espérer un grand chelem // Un joli petit restaurant à Odéon // Une nuit folle à la Coupole, du champagne, du gesticulage sur le dancefloor et s’amuser devant le photographe // Merci pour ces moments. C’était doux // Mon (roi) soleil // Des fleurs pour fêter le printemps // L’amour, roman // C’est que tu sois le couteau avec lequel je fouille en moi // Vous êtes sûrs que c’est le printemps ? // Une semaine épuisante…

moi après moisSur une idée originale de Moka

Les images…

 

Mazarine Book Day #3 en mots (mais pas en beaucoup d’images)

Samedi 17 mars avait lieu la troisième édition du Mazarine Book Day, et comme pour les deux éditions précédentes j’avais répondu présente avec un grand enthousiasme : je vais bientôt faire partie des murs, d’autant que les années précédentes, à part Eve Borelli la première année, les candidats publiés sont passés entre mes mains, Andrea Badea pour la première édition et Laure Rollier l’an dernier, ce qui fait que mon nouveau surnom est « le trèfle à quatre feuilles » (si ça pouvait aussi marcher sur moi cette histoire, ça m’arrangerait, mais bref). Toujours à l’Alcazar, ce troisième volet était organisé un peu différemment : au lieu de passer deux fois, devant un blogueur et devant un éditeur, les candidats ont présenté leur pitch devant un jury composé d’un éditeur, d’un blogueur et d’un libraire, trois regards différents et complémentaires donc, ce qui a donné des échanges fort intéressants et a permis de fluidifier les passages, j’ai donc moins vu de candidats que les autres années, et donc je m’en souviens mieux. J’ai eu un gros coup de coeur, on va voir si cette histoire de trèfle à quatre feuilles se vérifie. Si oui, je songerai à une reconversion en apporteuse d’affaires dans l’édition ! En tout cas c’était vraiment une très belle après-midi, les candidats étaient contents, tout le monde est reparti avec un petit sac plein de goodies, que demander de plus ?

Et bien une fiesta ! Autre nouveauté : le Mazarine Book Night. Les autres années nous étions un peu frustrés de nous quitter de manière un peu abrupte, du coup, cette année, les éditions Fayard avaient privatisé le Dancing de la Coupole pour que nous puissions prolonger ce moment jusqu’au bout de la nuit (ce qui m’a du coup permis aussi de fêter très dignement mon anniversaire : c’était la blague récurrente, « alors elle te plaît la fête pour tes 40 ans ? »).

C’était le 19 mars à l’Alcazar : le Mazarine Book Day

Samedi 19 mars après-midi, l’endroit où il fallait être se situait non loin de mon cher boulevard Saint-Germain : c’était l’Alcazar, rue Mazarine, dont le premier étage avait été privatisé pour accueillir une première mondiale, le Mazarine Book Day.

Le principe, tout aussi original qu’excitant, était de permettre aux auteurs, plutôt que de jeter leur manuscrit dans une boîte aux lettre telle une bouteille à la mer, de venir le présenter eux-mêmes.

Ils furent nombreux à avoir répondu à l’appel, et à venir présenter leur œuvre, cinq minutes devant une des éditrices de Fayard, cinq minutes devant une des cinq blogueuses membres du jury, dont moi.

Présenter, c’est-à-dire pitcher, parler des personnages et l’intrigue, mais il fallait aussi qu’ils aient apporté un petit extrait significatif, car comme on le sait, le pitch ne fait pas tout. Les jeunes aspirants écrivains ont eu aussi l’opportunité de manger des macarons et de rencontrer des gens de chez Fayard, et notamment les auteurs Mazarine, qui ont pu leur donner quelques conseils !

Tout est prêt pour que tout le monde profite au mieux du moment
Tout est prêt pour que tout le monde profite au mieux du moment

Bilan ? J’ai adoré cette expérience, et je crois que tout le monde finalement est reparti heureux, aussi bien le jury que les auteurs. Je n’ai pas chômé, j’avais un peu le cerveau essoré à la fin de l’après-midi, mais c’était de l’épuisement heureux.

J’ai été très agréablement surprise de la très grande diversité des gens que j’ai eu face à moi : des tout jeunes et des personnes âgées, des auteurs déjà publiés et d’autres non, des gens ayant une vraie volonté d’écriture et de publication et d’autres qui n’auraient pas forcément fait la démarche de chercher un éditeur mais qui ont vu dans l’expérience l’occasion de parler de leur travail.

Des récits, des romans de tous genres, du drame et de l’humour. Des projets plus ou moins aboutis. Des auteurs qui parlent de leurs personnages avec amour, comme de personnes réelles. Un après-midi riche en belles rencontres, et le plus dur fut de me retenir d’avoir un coup de cœur pour tous les textes, et de n’en retenir que très peu. J’ai dû renoncer à certains, puisque choisir c’est renoncer…

Mazarine

Ensuite, débriefing, les deux jurys se sont rassemblés, nous avons présenté nos coups de cœur, en avons parlé ensemble, notamment nous avons confronté nos impressions avec l’autre membre du jury qui avait reçu l’auteur. Et nous nous sommes rendu compte que, souvent, nous avions repéré les mêmes textes !

On débriefe

Maintenant, les éditrices vont lire les manuscrits repérés, parce que bien sûre une belle histoire et un beau projet ne suffisent pas pour faire un beau livre. Mais l’idée que peut-être un de mes coups de cœurs, dans quelques mois, et bien vous pourrez le lire parce qu’il sera devenu un livre, ça me met en joie.

Vivement le prochain !