Vivre au bord du monde
Depuis toujours, je vis dans l’impossibilité de sortir de moi-même. L’extérieur est devenu une entité inaccessible dans laquelle je ne fais que passer.
Je n’ai pas la moindre idée de la manière dont ce roman est venu à moi. Enfin si : je l’ai acheté. Mais je ne sais pas du tout comment, pourquoi mon choix s’est porté sur lui, comment il a attiré mon attention, peut-être ai-je lu quelque chose à son sujet qui est resté gravé dans mon inconscient mais je n’en ai aucun souvenir…
Ce roman est constitué en majeure partie du récit à la première personne d’une femme qui vit au bord du monde, presque enfermée dans son appartement dont elle ne sort que le moins possible. Elle écrit à un homme qu’elle traite comme s’il était son frère et qui se trouve en prison, et observe ses voisins, un couple d’artistes qui deviennent les personnages principaux de sa vie…
La réalité n’existe pas
Voilà pour commencer l’année un beau roman, à la couverture magnifique et au titre poétique et énigmatique, qui incite à la rêverie.
Curieux personnage que cette narratrice qui, pourrait-on dire, habite poétiquement le monde : elle a une manière particulière de saisir les choses, dans leurs détails, en leur donnant un sens et une figure nouvelle.
Elle observe ses voisins, et il faut dire qu’ils sont bien curieux aussi : Diane, écrivain, a des projets un peu fous, dont un m’a particulièrement troublée de par sa proximité avec un des miens (qui m’apparaît désormais comme peu original) ; Claude ne m’a pas plu : son personnage est support d’une réflexion sur la création artistique, mais sa conception assez provocatrice et selon moi finalement assez vide (il fait dans l’art conceptuel) ne m’a, globalement, pas convaincue.
Par contre, j’ai aimé l’utilisation de Wikipedia comme instrument d’un art éphémère (je l’utilise aussi en atelier d’écriture, même si je ne vais pas au bout du concept en me servant du site lui-même).
Et puis il y a ce frère, qui n’en est pas vraiment un, et en qui elle se projette comme dans un jumeau, et qui vit par procuration à travers elle, qui elle-même vit par procuration à travers ses voisins : jeux de miroir, d’invention, d’imagination et de fantasme, on se prend finalement à se demander où est le vrai et où est le faux, encore que la question n’a pas d’importance au fond, car le réel n’existe pas.
C’est ce qu’affirme en tout cas la citation mise en exergue, et qui m’a plongée dans un abîme réflexif : « La réalité est une invention de l’écriture pour y échapper » (Jean Fertain).
Un magnifique roman, très court, à l’ambiance particulière, que je vous encourage à découvrir !
Fermer l’œil de la nuit (lien affilié)
Pauline KLEIN
Allia, 2012









Répondre à L’Irreguliere Annuler la réponse.