L’intemporalité perdue et autres nouvelles, d’Anaïs Nin : femmes à la recherche d’elles-mêmes

L'intemporalité perdue et autres nouvelles, d'Anaïs Nin : femmes à la recherche d'elles-mêmes

Mais le plaisir n’était pas important. Ce qui importait, c’était que tous les sentiments convergent en lui, le rendant suprêmement autosuffisant, ce qui importait, c’était l’autosuffisance dont elle jouissait de son côté grâce à la prépondérance de l’artiste en elle, si bien que la sagesse s’éveillait en eux en dépit de l’absence physique d’expérience humaine. Elle percevait la plénitude symbolique en lui, ne désirant la compagnie des autres que par instants et, de son côté, il percevait la plénitude symbolique en elle, qui ne fléchissait que par intermittences. La sagesse ainsi éveillée gagnait en mordant parce qu’ils avaient tous deux extirpé toute douceur personnelle et toute forme de douleur, afin d’accéder à la compréhension de quelque chose que personne avant eux n’avait pris la peine d’appréhender par crainte de la solitude. 

Anaïs Nin est une écrivaine qui me fascine de plus en plus, autant sa vie que son œuvre. Quelle joie alors de me plonger dans ses nouvelles de jeunesse (écrites entre 1929 et 1931), traduites en français pour la première fois (par Agnès Desarthe), nouvelles qui ne sont pas érotiques mais portent déjà en elles les thèmes de réflexion qu’elle poursuivra dans ses œuvres suivantes : le désir, l’amour, l’art.

Seize nouvelles composent ce recueil, constituant une galerie de portraits de femmes, souvent des artistes ou qui, en tout cas, posent sur le monde un regard d’artiste.

Une jeune femme qui s’ennuie passe la nuit dans un bateau et s’enfuit de sa vie. Une jeune fille cherche ce qui se passe à l’intérieur d’elle-même. Une étrange soirée à Nice. Une jeune femme qui écrit sur la danse pour des journaux mais ne sait pas où est sa vraie vie. Une femme et un homme veulent se réinventer. Une danseuse qui n’arrive pas à danser. Une femme fait l’inventaire de l’appartement qu’elle a loué avec la propriétaire. Une femme se fait livrer des roses rouges. Deux âmes sœurs se retrouvent après huit ans de séparation. Des lecteurs sonnent chez un grand écrivain et rencontrent sa femme. Une femme erre tel un fantôme dans un Paris brumeux et monte dans un bus qui ne s’arrête pas. Un peintre est écartelé entre deux modèles féminins. Des plumes de paon portent malheur à une chanteuse. La femme d’un écrivain a besoin d’amis. Une inconnue s’invite à une soirée. Une danseuse de flamenco retrouve sa mère.

Les héroïnes de ces histoires sont souvent des femmes qui ne se sentent pas à leur place dans leur vie et dans le monde, souvent des artistes, des femmes clivées, fracturées entre leur être extérieur et leur être intérieur : encore une œuvre, donc, qui correspond parfaitement à ma problématique actuelle, celle de l’intégrité, et ces nouvelles, débordant d’une imagination onirique et presque fantastique, d’une grande poésie, m’ont donc encore une fois plongée dans des abîmes de questionnements existentiels.

Une nouvelle en particulier m’a beaucoup parlé, « fiancés par l’esprit », qui est une merveille de réflexion sur l’amour, les hommes et la création.

Des nouvelles qui peuvent parfois paraître inégales, mais qui sont une merveilleuse découverte !

L’Intemporalité perdue et autres nouvelles (lien affilié)
Anaïs NIN
Traduit de l’anglais par Agnès Desarthe
Nil, 2020

3 commentaires

  1. J’aime beaucoup le genre nouvelle et je ne connais pas Anaïs Nin, alors pourquoi pas?

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    1. Pourquoi pas en effet ?

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  2. Pas tentée du tout… déjà, je ne parviens pas à me concentrer assez pour saisir la portée de l’extrait que tu as mis, donc je pense que ce recueil m’épuiserait !

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