J’ai toujours été coquette — dans les deux sens du terme : le goût de la parure et de la toilette, et le souci de séduire. Mais c’est surtout le premier qui m’intéresse aujourd’hui.
Toute petite déjà, j’adorais les robes de princesses, les jupes qui tournent, les beaux tissus, les bijoux. Je piquais des crises lorsqu’on voulait me mettre des vêtements que je trouvais « moches », ce qui, à l’époque déjà, incluait à peu près toute la garde-robe d’hiver et les tenues « confortables » (je mets entre guillemets, parce que je ne trouve rien de plus inconfortable qu’un vêtement laid), joggings et compagnie. Je me souviens notamment d’un pull que j’avais littéralement en horreur, et qui me gâchait les journées où on m’obligeait à le mettre (je n’ai pas de photos, mais je soupçonne qu’il avait en plus de ne pas être esthétiquement à mon goût le défaut d’avoir un col montant, et je ne supporte pas les cols montants, ça me donne l’impression d’étouffer).


Une de mes plus grandes joies, c’était bien sûr les Barbie. La joie de les habiller, de les coiffer, l’accumulation des tenues aux couleurs variées. Les robes de soirée en particulier me faisaient rêver.
Adolescente, j’étais très mal dans ma peau, et j’ai perdu, un temps, ce goût. Disons que mon désir me portait naturellement vers des tenues féminines et originales, à une période de la vie où il n’est pas bien vu de sortir du troupeau, et comme en plus je ne correspondait pas au physique maigrichonne androgyne, si je m’habillais comme j’en avais envie, je me faisais traiter de p***. Alors je me suis rangée, et ne me suis plus habillée que comme les autres, en jean et converse. Mais j’ai aussi commencé à lire des magazines de mode.
Jeune adulte, sortie du purgatoire, j’ai enfin pu recommencer à m’amuser avec ma garde-robe, et à la laisser exprimer qui j’étais à l’intérieur. Je dévorais les magazines de mode, puis je cherchais des dupes dans les boutiques, avec un goût certain pour les jupes excessivement courtes et celles qui balayaient le sol, les imprimés léopard et peau de serpent, les tissus vaporeux et transparents, les bottes à talons et les belles robes. Le plus beau compliment qu’on pouvait me faire, c’était « c’est tout à fait toi » ou « il n’y a que toi pour porter ça ».
Mon mémoire de maîtrise avait pour sujet « l’art de la parure féminine ». Mon premier colloque, c’était sur les bijoux.
Lors de mon premier vrai séjour parisien, je me suis offert le fameux cabas pailleté Vanessa Bruno (que j’ai toujours, évidemment, et que je ressors de temps en temps), et du maquillage François Nars : à cette époque, on ne pouvait pas commander sur internet, qui n’existait d’ailleurs pas, et certaines marques étaient introuvables ailleurs que dans la capitale.
A la sortie de Sex and the city, j’ai eu toute une période Carrie Bradshaw. J’avais l’oeil pour repérer les « dans le style ». Il y avait des loupés, comme une marinière blanc et rose agressif (une couleur qui ne me va pas du tout) avec un nœud. Il y avait des réussites, comme une très belle robe noir et blanc à pois style pin-up, que j’ai toujours d’ailleurs mais qui m’est un peu juste. Et des grosses fleurs, dont une est toujours sur le revers d’un de mes manteaux, un énorme camélia rose pâle (qui se porte en broche ou dans les cheveux) qui me vaut au moins une remarque (gentille) par jour. Quant à la collection Gap x Sarah Jessica Parker, je pense que j’ai dû à peu près tout acheter, et notamment ce jean bootcut qui était une folie tellement il était parfait (je pense que j’ai pleuré le jour où, à force de le porter et de le laver, il n’a plus été qu’une loque, et impossible de remettre la main dessus, ils ne sont plus pareil). Je le portais exactement comme ça : avec le cardigan croisé, attaché avec des broches à strass.


Il y a des vêtements dont je me suis séparée et que je regrette aujourd’hui, et c’est pour cela que, désormais, je conserve tout : parfois, je ressors avec bonheur une pièce que je n’ai pas mise depuis des années, et j’ai l’impression d’avoir un nouveau vêtement.
Un jour, l’homme que je fréquentais a prophétisé l’effondrement de ma penderie. Prophétie qui s’est réalisée quelque temps plus tard…
J’ai des manies : l’imprimé léopard, les combipantalons, les 7/8e, les robes, les sandales dorées, les motifs fleuris, les blouses vaporeuses. Par contre je n’aime toujours pas les pulls, et de manière générale tous les vêtements trop couvrants. L’hiver est pour moi un enfer stylistique.
En 2006, j’ai ouvert un blog qui parlait de relations amoureuses et de mode, mais comme je faisais aussi ma thèse, j’ai fini par laisser tomber, avant d’ouvrir celui-ci dès mon pavé rendu.
A une époque, j’allais beaucoup à Paris pour des événements mondains, et j’ai pu réaliser mon fantasme ultime : m’acheter des robes de cocktail.
Aujourd’hui, je joue moins, je tente moins de nouvelles choses. Un peu moins. Je sais quelles sont mes coupes, quelles sont mes couleurs, quel est mon style finalement. Je l’ai toujours su, je n’ai jamais suivi aveuglément la mode : pour moi, m’habiller, c’est dire qui je suis (et comme nous sommes plusieurs dans ma tête cela peut donner des choses très différentes selon les jours, ce qu’on m’a parfois reproché car il est impossible de me mettre dans une case), et séduire (le deuxième sens de coquette). J’achète moins, mais plus cher. De belles matières. J’ai mes marques adorées, comme Sézane. J’ai sagement une liste d’envies. Je ne la respecte pas toujours.
Mais je suis toujours coquette, et même lorsque je suis chez moi, vous pouvez venir sonner (façon de parler : je n’aime pas trop qu’on débarque sans prévenir), je ne serai jamais « négligée« . Je n’ai pas de jogging, je trouve toujours cela moche, j’ai juste un legging pour faire du sport (et uniquement pour faire du sport). Je n’ai pas non plus de pyjama, encore moins de t-shirt informe (je dors dans la même tenue que Marilyn Monroe, le N°5 en moins). L’hiver je suis en jean, avec un joli haut et un joli cardigan. Et l’été, je suis en robe, toujours.
Pour moi, il n’y a rien de superficiel à être coquette, et ce n’est absolument pas une injonction sociale : cela fait partie de ma recherche constante du beau. C’est ce que je suis, profondément.









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