La religion de l’amour, de Rûmî

Aucune maladie n’est comme
Le mal d’amour
La maladie d’amour
Est un mal bien à part
Car l’amour est l’astrolabe
Des secrets de Dieu
Qu’il soit d’ici ou de là-bas
L’amour au bout du compte
Nous guide vers l’autre côté

J’avais découvert Rûmî (et son bien aimé Shams de Tabriz) lorsque j’avais lu, cela commence à faire longtemps, le magnifique Soufi mon amour d’Elif Shafak. Pour autant, je n’étais pas allée chercher plus loin, jusqu’à tomber l’autre jour sur ce petit recueil qui m’a éblouie.

Il s’agit d’une sélection, faite par Leili Anvar, parmi tout ce qu’a écrit le poète persan : dans l’œuvre lyrique, on retrouve les Ghazals, ou « odes lyriques », et les quatrains. Vient ensuite le Masnavî, sa grande œuvre de 25000 distique qui raconte un chemin spirituel dans lequel l’amour est au centre, et enfin le Fîhi mâ fîhî ou Livre du dedans.

Ce qui est éblouissant dans cette œuvre où l’amour est élevé au rang de religion, c’est que même s’il s’agit d’un amour purement spirituel, Agapè, l’amour des âmes, c’est avec les mots d’éros, l’amour physique qu’il se dit, et le texte est empreint non seulement d’une sensualité débordante, celle des odeurs, des couleurs et des lumières, du goût du miel, du vin et des baisers, mais même d’érotisme, et tout cela n’est pas sans rappeler le Cantique des cantiques.

Et la manière dont il dit cet amour est bouleversante, car il sait poser les mots sur ce sentiment, la douleur de la séparation, la puissance alchimique de l’amour, le pacte des âmes, l’aimé comme manifestation théophanique, la relation d’âme à âme qui permet l’union au-delà de la séparation. Tout cela est absolument sublime, et le texte d’accompagnement permet de saisir l’essence de cette poésie.

A découvrir : cela change de la poésie dont on a l’habitude !

La religion de l’amour (lien affilié)
RÛMÎ
Textes choisis et présentés par Leili Anvar
Points seuil, 2011

Spiral Dance, de Starhawk : renaissance de l’ancienne religion de la grande déesse

La poésie est le discours de la magie de l’image. Les sorts ou sortilèges et les charmes mis en œuvre par les sorciers sont une véritable poésie concrétisée.

Je voulais lire cet ouvrage de Starhawk depuis que j’avais lu Rêver l’obscur, auquel je reviens d’ailleurs régulièrement, et pas seulement pour mon projet de livre sur l’ancienne religion de la grande déesse (aka, « le projet déesse). Vu son sous-titre, celui-ci est d’ailleurs parfaitement dans le thème.

Nous avons ici un ouvrage fondateur, plus d’ailleurs que Rêver l’Obscur, en tout cas aux Etats-Unis où il a fait l’objet de nombreuses rééditions et mises à jour depuis sa parution en 1979, alors qu’il n’a été que très récemment traduit en France. Il y est question de la réémergence de la religion de la déesse, autrement nommée sorcellerie.

Un ouvrage de sorcière, sur les sorcières, et qui s’intéresse aussi bien à l’aspect théorique que pratique de la magie : je ne parlerai que du premier aspect, comme d’habitude en ce qui concerne les livres sur la magie, mais il contient aussi de nombreux rituels et sorts. Quant à l’aspect théorique, il est imprégné de l’histoire personnelle de Starhawk, et du choc qu’a été pour elle la découverte de la charge de la déesse :

Voilà que mon corps, dans tout ce qui était sa féminité, poitrine, vulve, utérus et flux menstruel, était sacré. Le pouvoir indompté de la nature, le plaisir intense de l’intimité sexuelle sont passés au premier plan en tant que voies vers le sacré — au lieu d’être niées, dénigrées ou considérées comme secondaires.

Et finalement, tout est là : ce que montre Starhawk dans cet essai, c’est l’importance de l’érotisme et de la circulation du désir comme plus hautes magies. La vision du monde de la sorcellerie est assez simple, finalement : tout est énergie, forces en mouvement, et la plus haute énergie est l’amour, y compris dans sa dimension charnelle. La loi de la déesse est l’amour. Car l’amour, le désir dissout toutes les séparations.

La sorcellerie, en tant que religion non dogmatique, religion de poésie et non de théologie, est donc tissée de mythes, de légendes et de métaphores, et d’émerveillement, qui est son attitude de base.

Et si le symbole de la déesse a autant d’importance pour les femmes, c’est en tant qu’image inspirante à nous voir comme divines, à voir notre force : finalement, la sorcellerie est aussi une quête de soi, un travail de l’ombre au sens d’affronter l’ombre en soi : j’ai trouvé qu’il y avait dans cet essai beaucoup de connexions avec Jung.

Le but de Starhawk, dans cet essai, n’est rien moins que la mise en place d’une nouvelle religion, ou plutôt le retour à une ancienne religion, que certains ont cru détruire mais qui a survécu en cachette.

Comme l’ombre, elle s’est logée dans les tréfonds de notre inconscient, mais peut être ramenée à la lumière. Une religion de liberté, basée sur la conscience et la connaissance de soi. Celui qui se connaît n’est plus un pantin manipulable : il est libre et responsable de ses choix. Comme la Grande Prêtresse du Tarot.

On l’aura compris : cet ouvrage m’a enchantée et profondément nourrie, me donnant nombre d’axes de réflexions à creuser. Et j’aime les livres qui font ça !

Spiral Dance. Renaissance de l’ancienne religion de la grande déesse (lien affilié)
STARHAWK
Traduit de l’anglais par Anne Delmas
Vega, 2021

Le pur et l’impur, de Colette

Sur elle que de ténèbres encore… Il ne m’appartient pas de les dissiper. Je m’embarque, quand je pense à Charlotte, sur un voguant souvenir de nuits que ni le sommeil, ni la certitude n’ont couronnées. La figure voilée d’une femme fine, désabusée, savante en tromperie, en délicatesse, convient au seuil de ce livre qui tristement parlera du plaisir.

J’ai acheté ce livre à la maison de Colette. J’en ai aussi acheté deux autres, mais commençons par celui-là. Un livre étrange, succession de récits, portraits, conversations, souvenirs et réflexions publié en 1932 sous le titre Ces plaisirs… puis dans une version remaniée en 1941 avec le titre actuel.

Le thème en est « ces plaisirs qu’on nomme, à la légère, physiques » ; la réflexion progresse par dérivation, un sujet en appelant un autre.

Dans une fumerie d’opium, Colette rencontre une femme, Charlotte, et son très jeune amant jaloux ; cela la conduit à parler d’un de ses amis, un don juan vieillissant ; puis elle s’interroge sur les « femmes viriles », Mathilde de Morny (Missy) et Renée Vivien, et sur les couples de femmes et notamment l’histoire des Dames de Llangollen ; elle passe alors à l’homosexualité masculine, pour terminer sur l’art de la feinte.

Je dois dire que j’ai été très déstabilisée par ce texte : le thème des plaisirs physiques sous la plume de Colette, j’attendais quelque chose de puissamment charnel, sensuel et solaire, pour tout dire un enchantement, et je me suis retrouvée avec un texte au contraire désenchanté, et dont l’épigraphe aurait pu être ce vers de Mallarmé, « La Chair est triste, hélas !« .

Certes, on retrouve bien la plume très sensuelle de Colette, les couleurs, les lumières, les odeurs, les goûts, les textures, les voix et les froissements d’étoffes, un monde synesthésique peuplé de métaphores, et certains portraits sont assez saisissant.

Le premier chapitre consacré à Charlotte et à son jeune amant, qui m’a tout de même pas mal fait penser à Colette et Bertrand de Jouvenel, m’a intéressée de par sa réflexion sur les femmes et l’amour, et ce que c’est que d’avoir un amant très jeune lorsqu’on atteint un certain âge. Et encore : ça m’a intéressée, mais dès le départ, le ton désenchanté et désabusé, triste, m’a laissée sur le côté.

En fait, je crois que je n’ai pas compris le projet de Colette avec ce texte, qui me semble de plus très daté. Dommage.

Le Pur et l’Impur. (lien affilié)
COLETTE
Livre de poche

Oiseau d’une saison, je fuis avec l’été

Nouvel instant poétique, avec un poème de Louise Ackermann, dont je ne me lasse pas de découvrir l’œuvre, même si elle n’est pas si facile que ça à trouver : elle fait partie de ces génies injustement oubliés parce qu’ils étaient femmes. Pourtant, sa poésie n’a rien à envier aux plus grands.

Aujourd’hui, j’ai choisi de partager avec vous la première des trois parties d' »In memoriam« , un poème écrit à trois périodes distinctes et qui parle du deuil et de la perte de l’être aimé. Dans cette première partie, elle évoque le fait qu’un paysage, rendu merveilleux par la présence de l’être cher, devient triste et morne lorsqu’il n’est pas là.

In Memoriam

I

J’aime à changer de cieux, de climat, de lumière.
Oiseau d’une saison, je fuis avec l’été,
Et mon vol inconstant va du rivage austère
Au rivage enchanté.

Mais qu’à jamais le vent bien loin du bord m’emporte
Où j’ai dans d’autres temps suivi des pas chéris,
Et qu’aujourd’hui déjà ma félicité morte
Jonche de ses débris !

Combien ce lieu m’a plu! non pas que j’eusse encore
Vu le ciel y briller sous un soleil pâli ;
L’amour qui dans mon âme enfin venait d’éclore
L’avait seul embelli.

Hélas ! avec l’amour ont disparu ses charmes ;
Et sous ces grands sapins, au bord des lacs brumeux,
Je verrais se lever comme un fantôme en larmes
L’ombre des jours heureux.

Oui, pour moi tout est plein sur cette froide plage
De la présence chère et du regard aimé,
Plein de la voix connue et de la douce image
Dont j’eus le cœur charmé.

Comment pourrais-je encor, désolée et pieuse.
Par les mêmes sentiers traîner ce cœur meurtri,
Seule où nous étions deux, triste où j’étais joyeuse,
Pleurante où j’ai souri?

Painswick. Glocestershire , août 1850.

Louise Ackermann

Henry et June : les cahiers secrets, d’Anaïs Nin

Je crois vraiment que si je n’avais pas été écrivain, si je n’avais pas ce besoin de créer, d’expérimenter, j’aurais pu être une femme fidèle. J’ai beaucoup de respect pour la fidélité. Mais mon tempérament obéit à l’écrivain, non à la femme. Un tel cloisonnement peut sembler enfantin, mais il est possible. Enlevez la force et le bouillonnement des idées, et vous obtenez une femme qui aime la perfection. Et la fidélité compte parmi les perfections. Si elle me paraît stupide et niaise aujourd’hui, c’est que j’ai des plans plus vastes. La perfection est statique, et je suis en pleine évolution. La femme fidèle n’est qu’une phase, qu’un moment, qu’une des métamorphoses, qu’une des conditions.

Je poursuis ma lecture des journaux d’Anaïs Nin, avec ce volume charnière écrit d’octobre 1931 à octobre 1932, et qui concerne la période June et Henry Miller.

Le fait est qu’il est un peu difficile de s’y retrouver dans les éditions des journaux, l’œuvre intégrale n’étant plus disponible dans une seule et même édition, ce qui complique la tâche, d’autant qu’il existe plusieurs versions de chaque. Après les journaux de jeunesse, je m’étais lancée dans « le journal de l’amour », avant de me rendre compte qu’il me manquait une année, et quelle année, éditée à part.

Mais. S’il s’agit bien ici de la version non expurgée, ce n’est pas pour autant la version intégrale du journal mais une sélection de pages éditorialisées afin de se concentrer sur Henry et June Miller.

Tout commence donc en 1931, et la rencontre entre Henry Miller et Anaïs Nin. Mais c’est d’abord de June, la femme d’Henry, qu’Anaïs s’entiche, même si on ne sait pas trop jusqu’à quel point, avant de vivre une liaison avec l’écrivain. C’est aussi à cet époque qu’elle découvre la psychanalyse, qui lui ouvre de nouvelles portes de compréhension d’elle-même.

Si vous ne me sentez pas plus emballée que ça, c’est normal, je ne l’ai pas été. Ou plus exactement, je suis très loin d’être convaincue par le choix éditorial qui a été fait de faire un livre à part avec le matériau du journal, car on perd alors la force de l’écriture diariste et on passe sans doute à côté de beaucoup de points essentiels dans cette période charnière de prises de conscience, mais aussi de découverte de la jouissance.

Il y a toujours, chez Anaïs Nin, cette dualité entre la femme et l’écrivaine, et elle ne parvient pas à s’unifier : la phrase que j’ai mise en exergue, où elle met son besoin d’expériences sexuelles sur le dos de cette dernière, est assez représentative, et en dit beaucoup sur son rapport à la féminité et à la sexualité.

L’expérience de la psychanalyse viendra d’ailleurs porter un éclairage particulier sur ces questions, même si on est à une période où Freud et ses théorie règnent en maître et où les analyses sont parfois un peu caricaturales.

Reste que, et c’est ce que je trouve dommage, le travail éditorial a largement supprimé l’écrivaine, on n’a très peu de réflexions sur l’écriture, sur ses travaux en cours. Et malgré cette dualité qu’elle pointe, il est évident que chez Anaïs Nin tout est tellement entremêlé que l’on perd quelque chose.

De plus, j’ai eu beaucoup de mal à cerner ses sentiments pour Henri Miller (elle aussi, cela étant).

Un volume que j’ai donc eu un peu de mal à apprécier, alors que la période est essentielle : l’hyperconscience douloureuse d‘Anaïs Nin, sa quête de soi à travers la sexualité et la séduction, la thématique de l’inceste qui commence à émerger sont fondamentaux dans son parcours, mais j’aurais préféré lire le journal dans son intégralité.

Henry et June. Les Carnets secrets. (lien affilié)
Anaïn NIN
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Béatrice Commengé
Stock, 2007

La méthode « Change ma vie », de Clotilde Dusoulier

Ce livre est pour vous si vous avez des rêves, des projets, que vous avez un peu mis de côté. Quand vous repensez à la personne que vous imaginiez devenir lorsque vous étiez plus jeune, aux expériences que vous envisagiez de vivre, vous ressentez comme une déception, comme si vous aviez gâché votre potentiel. Vous avez laissé la vie et le tourbillon du quotidien vous happer, et vous avez perdu de vue ce à quoi vous voulez vraiment consacrer cette existence, la seule et unique qu’il vous est donné de vivre (pour autant qu’on sache).

Je le disais lundi : je suis une fidèle auditrice du podcast de Clotilde Dusoulier, « Change ma vie ». Je me suis d’ailleurs laissé dire que nous étions très nombreux, et que ce podcast est l’un des plus écoutés. Et c’est mérité, car il est excellent, très bienveillant et pédagogique, et permet nombre de prises de consciences salutaires et changements de point de vue.

Oui mais : je ne sais pas vous mais moi, autant j’adore les podcasts, autant malheureusement je suis frustrée de ne pas pouvoir prendre de notes (puisque je les écoute en conduisant) qui me permettraient de mieux retenir et d’approfondir certains sujets (j’ai une mémoire visuelle). Aussi, un livre, c’était exactement ce dont j’avais besoin.

Alors, il ne s’agit pas d’un concentré de tous les épisodes du podcast, il faudrait mille pages pour cela, mais d’un cheminement basé sur le programme de coaching créé par Clotilde, et qui porte le même nom que le podcast, « Change ma vie« . Les deux sont évidemment liés.

De quoi s’agit-il ? De se créer une vie extraordinaire. Mais une vie extraordinaire qui nous ressemble, qui est alignée avec la personne que nous sommes. Après un préambule dans lequel elle explique l’approche Change ma Vie et la manière d’utiliser le livre comme un compagnon au quotidien, Clotilde explique ce qu’est une vie extraordinaire et les clés pour y parvenir, avant de nous inviter à passer un pacte avec nous-même.

Les trois dernières sections sont consacrées aux trois piliers de la méthode « Change ma vie » : la vision (savoir où on va et ce qu’on veut), la clarté, et l’élan.

J’ai lu cet ouvrage en mode « découverte », c’est à dire que je l’ai lu presque d’une traite, mais je sais que j’y reviendrai en mode approfondissement sur certains sujets.

Et j’ai trouvé cela passionnant, notamment tout ce qui concerne les émotions et le fonctionnement du cerveau, mais aussi concernant la manière de faire : Clotilde s’appuie beaucoup sur l’écriture et notamment le flot de pensées (qui n’est pas strictement la même chose que les pages du matin, puisqu’on peut le faire à n’importe quel moment, mais un peu tout de même) et propose dans le livre nombre d’exercices permettant une très riche et stimulante introspection, en posant les bonnes questions.

On trouve également de nombreux parcours inspirants de personnes ayant suivi le programme, et dont les problématiques peuvent résonner avec notre propre vécu.

Et à cette lecture, en faisant certains exercices et en lisant certaines histoires, j’ai eu un déclic. Que j’avais partiellement eu d’ailleurs il y a quelque temps mais que je n’avais pas réussi à ancrer : j’ai déjà partiellement réalisé ma vision. Plus exactement, pour moi, il ne s’agit pas de créer quelque chose de nouveau, mais de l’incarner davantage et surtout, de me débarrasser de ce qui ne me correspond plus, comme d’une peau morte.

Il ne me manque rien (enfin, presque rien) : il y a quelque chose en trop (mon travail alimentaire). C’est un changement de point de vue, mais essentiel me semble-t-il !

Bref : un ouvrage extrêmement clair et bien fait, très pédagogique et bienveillant, qui permet à la fois de comprendre notre fonctionnement et de faire le point sur nos aspirations, et la manière de les mettre en place !

La méthode « Change ma vie ». Créez la vie extraordinaire qui vous ressemble. (lien affilié)
Clotilde DUSOULIER
Robert Laffont, 2024

La promesse du silence, de Catherine Balance

Toute ma vie, je me suis demandé quelle était la meilleure manière de vivre l’amour. Avec la même personne, avec des personnes différentes ? Est-ce en restant ensemble tous les jours, et même isolés, comme Carine et toi pendant votre voyage ? Ou en ayant chacun sa vie, sans habiter ensemble ?
Comment maintenir l’amour vivant et passionnant au quotidien ? A certaines périodes j’ai pensé qu’on pouvait aimer deux personnes à la fois. A d’autres, il m’était impossible de le concevoir. L’exclusivité — se consacrer l’un à l’autre — représentait l’union suprême à mes yeux, la seule chose en amour qui vaille la peine.

C’est un fait : en ce moment, je ne lis que très peu de fiction. Cela dure depuis des semaines, et je n’ai pas la moindre idée de la raison de ce phénomène curieux. Je commence un roman, qui souvent me plaît d’ailleurs, et bien vite j’abandonne, ne me sentant pas assez nourrie. Cela ne s’est heureusement pas produit avec le nouveau roman de Catherine Balance, dont les précédentes histoires m’avaient occasionné de véritables révélations existentielles.

Dans ce roman, deux personnages qui ne se connaissent pas s’adressent au même homme, qui vient de mourir. Ella, son amour secret, qui a promis de ne jamais révéler leur relation et qui a appris son décès sur internet. Aurélien, son fils pour qui il a été un père intermittent.

A force de fréquenter la tombe de cet homme aimé et de la décorer, chacun à sa manière, se produit ce qui devait se produire : ils finissent par se rencontrer.

Pas de révélation existentielle ici (pour l’instant : elles se produisent parfois à retardement), mais un roman que j’ai pris beaucoup de plaisir à lire, sur des thèmes essentiels que sont l’amour et le deuil. Jamais l’homme aimé n’est nommé, mais à travers le regard de celle qui partageait une partie de sa vie en secret et de son fils, nous avons de lui un portrait en creux assez troublant, qui invite à se poser des questions.

Et j’ai particulièrement aimé le personnage d’Ella, en qui je me suis reconnue non pas seulement parce qu’elle est écrivain, mais aussi pour sa manière de considérer l’Amour (oui, je mets une majuscule !) comme valeur essentielle, quitte à ce qu’il ne soit pas compris et sur le sujet, je dois admettre que le personnage de la psy m’a pas mal mise en colère. En tout cas, ne vous y trompez pas : il ne s’agit pas d’une simple histoire de relation extraconjugale !

Quant à Aurélien, sans vouloir en dire trop, il m’a beaucoup touchée également dans son amour pour ce père absent une bonne partie de sa vie, et la manière dont il se construit dans ce vide.

Au final, cela donne un roman très touchant, souvent poétique, qui vise juste et interroge l’amour sous toutes ses formes !

La Promesse du silence (lien affilié)
Catherine BALANCE
Jouvence, 2024