Je me souviens : devenir volcanologue

L’autre jour, en traînant sur X, je suis tombée sur une discussion à propos de Maurice et Katia Krafft, qui a fait ressurgir le souvenir de la période de ma vie où je voulais devenir volcanologue.

C’est un parmi les dizaines de métiers que j’ai voulu exercer — il serait d’ailleurs intéressant de noter que j’ai fini par faire un métier qui ne m’a jamais attirée et au contraire toujours rebutée, mais ce n’est pas l’objet.

J’ai dans le désordre, à part « écrivain » qui m’a toujours suivie, voulu être journaliste, vétérinaire, astronome, archéologue (à cause d’Indiana Jones et de son fouet, j’en ai bien peur), directrice de musée, comédienne, géologue et donc volcanologue. En fait, comme tout m’intéressait à part les mathématiques (vaste mystère), dès qu’un nouveau sujet se présentait à moi, cela devenait une obsession, je voulais tout savoir et en faire mon métier. Sans trop d’ailleurs réfléchir plus que ça aux modalités pratiques de ces métiers que je voulais exercer.

Et il est vrai que la vie de la terre, la tectonique des plaques, la formation des volcans et leur vie intense, je trouvais cela fascinant.

Mais dans l’histoire il y avait aussi, de fait, Katia et Maurice Krafft eux-mêmes. Je trouvais cela follement romantique et digne d’un film : passer sa vie à voyager de par le monde, suivre sa passion (et les volcans, c’est de la passion au carré) et la partager avec la personne que l’on aime, je me disais que c’était ça, la vie que je voulais. Et la mort, aussi : ensemble (leurs corps ont été retrouvés côte à côte), et en faisant ce qu’ils aimaient le plus au monde.

Je n’aurais jamais, en réalité, voulu devenir volcanologue : les études pour le devenir ne m’auraient pas plu. Néanmoins, dans cette tocade, je reconnais bien la petite fille que j’étais, recherchant la passion, l’aventure d’une vie vécue à fond, et n’ayant qu’une peur : une vie ennuyeuse et planplan. Et que j’ai finalement l’impression d’avoir un peu perdue en cours de route, à un moment !

Et vous, qu’est-ce que vous vouliez être, quand vous étiez enfant ?

Je me souviens : petite princesse

Lorsque j’étais enfant, j’adorais les mariages (et à une époque, il y en a eu pas mal dans ma famille). Parce que, pour les mariages, je pouvais mettre une robe de princesse, et ça, c’était le kiff absolu.

Il y avait notamment cette robe bleue dont je me souviens parfaitement jusqu’à pouvoir en ressentir la douceur, et la sensation que j’avais en la portant.

Une longue robe bleue à volants, dans un tissu voile avec des petits plumetis blancs. Une petite bourse assortie, dans le même tissu, dans laquelle je mettais un mouchoir et un petit porte-monnaie. Une veste blanche en fausse fourrure. Des nattes dans lesquelles étaient tressés des rubans. Aux pieds, des babies vernies.

J’avais, réellement, l’impression d’être une princesse, digne et élégante, et je passais la journée à virevolter avec la prestance et l’assurance que me donnait ma tenue d’apparat.

Les autres petites filles attendaient avec impatience le soir, pour enlever leur jolie robe qui les empêchait de courir partout sans se faire disputer qu’elles allaient se salir ou déchirer leur belle tenue.

Moi non. Moi, je redoutais ce moment où je devrais me changer et m’habiller en moche. C’est-à-dire en jogging. J’avais, et j’ai toujours d’ailleurs, une horreur non dissimulée pour les joggings, qui incarnent pour moi la quintessence de la laideur : pour moi ce n’était pas une tenue confortable, c’était une tenue moche, et je ne peux pas me sentir confortable dans mes vêtements moches. Du reste, je n’aimais pas courir et grimper partout en faisant du bruit, comme les autres enfants. Moi j’aurais voulu garder ma jolie robe et ma dignité.

Le soir venu, comme Cendrillon quand sonne minuit, je me sentais en quelque sorte dépossédée de moi-même : enlever ma robe de contes de fées, et remettre les vêtements de tous les jours. Quelle horreur !

Et j’attendais avec impatience le prochain mariage, pour être à nouveau moi-même !

Je me souviens : comment j’ai appris à lire et à raconter des histoires avec Boule et Bill

Lorsque j’étais petite, ma maman ne me lisait pas tellement de contes de fées, ou alors je ne m’en souviens pas. Ce dont je me souviens, c’est qu’elle me lisait Boule et Bill. Vous savez, cette petite bande dessinée racontant les aventures d’un petit garçon, Boule, et de son cocker Bill.

Je n’ai absolument aucune idée de pourquoi cela s’est fait comme ça.

Chaque soir, elle me lisait quelques planches, avant de me laisser un moment dans mon lit avec le livre. Alors, je reprenais les histoires qu’elle venait de me lire, et à moitié je retrouvais de mémoire les dialogues, à moitié j’inventais ce qui se passait et se disait à partir des images.

C’était quelque chose que j’adorais faire d’ailleurs aussi pendant la journée : prendre une bande dessinée (j’avais aussi des Picsou et j’aimais beaucoup les Castors Juniors) ou un livre illustré, et inventer l’histoire puisque je ne savais pas encore lire.

Ce qui est amusant c’est qu’aujourd’hui, je ne lis que très peu de bandes dessinées, et j’en ai finalement peu lues dans ma vie : dès que j’ai su lire, je suis passée à la bibliothèque rose, puis verte, mais plus du tout d’albums.

Je conserve néanmoins une grande tendresse pour Boule et Bill (même si je n’ai aucun album chez moi : cette photo m’est tombée dessus l’autre jour en lorsque je me suis plongée dans mes archives) et il y a quelque temps, assez mystérieusement d’ailleurs, Facebook m’a proposé une page sur laquelle on retrouvait certaines planches, et j’ai vraiment pris beaucoup de plaisir à les redécouvrir.

En tous les cas, je pense que ces lectures d’enfance ont eu beaucoup d’effet sur moi : même si je n’ai pas strictement appris à lire avec la bande dessinée, cela m’a tout de même grandement aidée car je savais reconnaître certains mots. Et surtout, à inventer des histoires à partir des images, cela m’a donné le goût de le faire !

Et vous, on vous lisait des histoires quand vous étiez petit ? Quoi comme histoires ?

Journaux de jeunesse d’Anaïs Nin : journal d’enfance (1914-1920), l’éclosion d’une jeune femme

Les soirées j’écris dans ma chambrette, pour noyer dans les rythmes d’un poème mon éternelle prière pour de l’amour, de la sympathie, une audience pour mes pauvres poésies, des conseils que je mérite si peu mais dont j’ai tant besoin. J’ai tout trouvé dans les livres pour charmer ma solitude, mais ils n’enseignent pas à vivre, ils m’aident plutôt à élargir l’étendue de mon autre vie de fantaisies et de parfaite beauté.

Une de mes grandes entreprises actuelles, c’est la lecture des journaux d’Anaïs Nin, qui va sans doute m’occuper de nombreux mois. Et j’ai choisi de commencer non par le premier qui a été publié, mais le premier écrit et qui se trouve être le dernier a avoir été confié au public, le volume appelé « journaux de jeunesse« , qui couvre la période 1914-1931, et j’ai décidé d’en parler au fur et à mesure de ma lecture des différents tomes qui le constituent.

Commençons donc par ce qu’Anaïs Nin, qui donnait des titres à ses journaux, a appelé « journal d’enfance » (mais qui aurait pu s’appeler « journal d’enfance et d’adolescence »), et qui couvre la période allant de l’arrivée à New-York en 1914, moment auquel Anaïs Nin commence à écrire un journal, à 1920, lorsqu’elle change de langue et commence à écrire en anglais. Toute cette période est donc directement écrite en français.

Mon ambition étant de voir les transformations et le cheminement d’un être, ce premier journal est particulièrement important puisqu’on la voit passer de petite fille à jeune fille. Et c’est une enchantement d’assister à cette éclosion. J’avoue que les premières années sont parfois un peu pénibles à lire : cela reste un journal d’enfant, assez touchant et naïf mais souvent grandiloquent : elle a des bouffées de patriotisme et de religiosité qui ont de quoi laisser perplexe. Elle est également très sévère avec elle-même, et c’est surtout une enfant très malheureuse et triste dont le journal est le fidèle compagnon qui aide à vivre.

Et j’ai aimé la voir se métamorphoser, affirmer sa manière d’être : une enfant puis une jeune fille solitaire et rêveuse, qui s’échappe de la réalité grâce aux livres et à l’imaginaire (je l’ai déjà dit mais cette tendance à l’échappement c’est un des traits caractéristiques du signe des Poissons que nous avons en commun), très sensible à la beauté et à l’émerveillement, et qui rêve d’amour. Et très tôt, cette certitude sur son destin : écrire.

Et encore une fois, ce qui m’a frappée, c’est cette impression extrêmement troublante de me lire, à la fois l’enfant et la jeune fille que j’étais et la femme que je suis aujourd’hui, à travers ses pages. Il y a même des synchronicités, des événements similaires ou vécus similairement qui m’interpellent. Cela fait vraiment un effet très bizarre, et même si je progresse lentement j’ai hâte de lire la suite !

Journaux de jeunesse (1914-1931) / I. Journal d’enfance (1914-1920)
Anaïs NIN
Stock, 2010

Les passions d’enfance

C’est amusant : plus je vieillis, et plus je retrouve (et donne de l’importance) aux activités qui me passionnaient lorsque j’étais enfant. Et que j’ai un peu laissées de côté durant une grande partie de ma vie d’adulte (à part la lecture : je n’ai jamais mis de côté la lecture). Essayant, tant bien que mal, de canaliser tout ça, parce qu’on ne peut pas tout faire. Il faut dire que tellement de choses m’intéressaient que choisir une voie a été un grand problème (et j’ai fait un mauvais choix). Je l’ai déjà écrit, mais j’aurais voulu être Jarod, Le Caméléon, et changer de vie tous les quatre matins. A une époque d’ailleurs, je voulais être comédienne : avoir mille vies, parce qu’une seule ne suffit pas.

Raconter des histoires, cela vient de là, aussi : explorer tous les possibles, sortir du réel étriqué. Les heures passées à inventer des aventures à mes Playmobil ou à mes Barbie. Et, une fois l’écriture acquise, coucher ces histoires sur du papier.

J’ai toujours aimé le papier. J’adorais découper et coller. J’en mettais partout. J’avais des cahiers entiers illustrés de photographies qui me plaisaient et m’inspiraient. Une tendance que je retrouve avec le Journal Poétique : je « coupigne » (c’est le mot qu’utilisait ma maman) tout ce qui me plaît dans les vieux magazines, et je colle.

Apprendre. Je crois que c’est ma plus grande passion dans la vie : acquérir de nouveaux savoirs. Enfant, mes livres de chevet, c’était le dictionnaire et les encyclopédies. Et aujourd’hui je ne cesse de lire des essais et de m’offrir des formations en ligne.

Il y a aussi la passion des collections. J’étais une collectionneuse de collections, et si je ne me surveille pas, avec moi, tout a tendance à se transformer en collection. J’achète un objet, et puis hop, un deuxième dans la même thématique… et le mouvement est lancé. Mais ce que je préfère en ce moment, ce sont les pierres, que j’ai toujours ramassées partout, et les coquillages bien sûr. J’étais très intéressée par la minéralogie et la géologie. Il y a aussi eu une période archéologie, mais ça je crois que c’est la faute d’Indiana Jones.

En fait, on devrait toujours suivre ses passions d’enfance, parce qu’elles sont la matrice de la personne que nous sommes et de ce qui nous fait vibrer. Il n’y a pas de triche, pas de faux-semblants. Pas de limites non plus. Et aujourd’hui, alors que la rentrée approche à grands pas et que je regarde avec effroi la porte de la prison de mon travail alimentaire qui va se refermer sur moi pour de longs mois, j’ai envie de garder ça, et l’espoir de bientôt me libérer et trouver le moyen de vivre une vie qui me ressemble et me nourrit.

Et vous, quelles étaient vos passions d’enfant ? Les avez-vous suivies ?

Le monde secret d’Adélaïde, d’Elise Hurst : réenchanter le monde

Une fois rentrée chez elle, la tête remplie de leurs histoires, Adélaïde travaille jusqu’à tard dans la nuit, recueillant une petite parcelle du monde pour en faire la sienne. Mais il lui manque toujours quelque chose.

Adélaïde est une solitaire contemplative. Elle passe sa vie à regarder le monde, sans y participer vraiment, jusqu’au jour où un grand orage métamorphose tout…

Un album rempli de poésie et de grâce, à la fois mélancolique et merveilleux, qui nous parle de la solitude, du lien, et de réenchanter le monde. Les illustrations d’Elise Hurst sont absolument magnifiques, elles ont quelque chose d’un peu désuet dans la manière de représenter les animaux, qui nous transporte ailleurs, et c’est merveilleux. Je me suis bien évidemment beaucoup reconnue dans la nature rêveuse et créatrice d’Adélaïde, qui est une figure d’artiste, tout comme renard.

Un très bel album à offrir !

Le Monde secret d’Adélaïde
Elise HURST
Traduction de Christiane Duchesne
D’Eux, 2017

Nobelle, de Sophie Fontanel : d’amour et de littérature

Je relus la phrase. Oui, elle était vaste, bien plus vaste que moi. Même moi qui l’avais écrite, j’étais une étrangère enrichie par elle. Et je compris comment l’on sait, un jour, qu’on a fini un livre. Ce n’est pas le mot « fin » que l’on met tout au bout, ce n’est pas un point jeté après un mot. C’est le prodige d’avoir laissé naître en soi des milliers de phrases comme celle-là, qui tiennent toutes seules un jour au milieu du temps.
Et moi, je contenais ça. 

Je ne résiste pas aux romans qui parlent d’écriture et d’écrivains. Si en plus ils parlent d’amour, je suis presque en pâmoison. Et si, pour couronner le tout, ils sont écrits par un auteur que j’aime, en l’occurrence Sophie Fontanel, je ne vois pas bien comment je pourrais résister.

A l’occasion de son discours de réception du prix Nobel de littérature, Annette Comte revient sur l’été de ses dix ans, celui où elle découvre ce qui la rend unique : écrire. Où elle découvre aussi ce que c’est que l’amour, grâce à Magnus. Où l’amour et la littérature se lient indéfectiblement en elle.

Un merveilleux roman, plein de douceur, à la fois formidable d’innocence car Sophie Fontanel sait à merveille rendre la hauteur de l’enfant, la naïveté de la petite Annette de dix ans qui naît à la fois à la littérature et à l’amour et a cette révélation existentielle qu’elle est une sorte de troubadour, et émouvant. L’amour et la littérature sont intimement liés (je n’ai pas pu m’empêcher de penser à Somerset Maugham : seuls l’amour et l’art rendent l’existence tolérable), ils naissent du même élan vital, de la même soif d’absolu, essentielle chez les enfants et que l’on voudrait bien conserver à l’âge adulte. Tout comme cette formidable trouvaille que je mettrais bien sur ma carte de visite (et qui règle le problème du féminin) : je suis écrivaste. Parce que je contiens un monde, des mondes, qui ne demandent qu’à sortir.

Ce roman m’a au final fait l’effet d’un petit bonbon qui m’a fait du bien, m’a fait sourire et m’a aussi un peu mis la larme à l’œil par moments ! Un coup de cœur !

1% Rentrée Littéraire 2019 – 5/6
By Hérisson