Instantané : encore un peu d’automne

Si on faisait un palmarès des différents mois de l’année, je crains fort que Novembre ne recueille que très peu de suffrages. Il faut dire qu’il n’a pas grand chose pour lui : coincé entre deux fêtes, il se révèle le plus souvent déprimant, avec ses jours qui raccourcissent inexorablement, son ciel bas et lourd comme un couvercle, ses températures qui chutent, tout cela donnant envie de rester roudoudouné sous un plaid, chez soi, à boire du chocolat chaud. Mais, làs, on ne peut pas toujours, et il faut bien, malheureusement, sortir.

Ce mois apparaît tellement comme un long tunnel que les gens font leur sapin de plus en plus tôt. Sitôt les décorations d’halloween rangées dans leur boîte, les lumières de Noël ressortent, histoire de remettre un peu de joie. Je tiens bon jusqu’au dernier week-end du mois, mais vraiment, c’est tentant de sortir le sapin. Ce sera mon activité du jour.

Pourtant, on est toujours en automne (jusqu’au solstice d’hiver). Les arbres ne sont pas encore dénudés, ils flamboient encore un peu. Alors jeudi, après une semaine d’ennui abyssal, durant laquelle j’ai eu l’impression qu’on me volait mon temps, où l’écriture était difficile (je vous reparlerai bientôt du NaNoWriMo), où le soir je n’avais rien à écrire dans mon journal tant les journées s’étaient déroulées sans qu’il ne se passe rien d’intéressant, de nourrissant, jeudi, donc, je me suis secouée un peu et je suis allée faire un petit tour au Jardin des Plantes.

Je ne vais pas mentir, et dire que cela m’a émerveillée et remise sur pieds : à vrai dire, en ce moment, je me sens pas mal coupée de moi même, de mes émotions, de ma pulsion de vie. Ce n’est pas seulement la faute de novembre, mais il n’aide pas. Et j’ai trouvé le jardin un peu triste : je ne sais pas où étaient les parterres de feuilles rouges que j’adore photographier tous les ans, le gros gingko ne flamboie pas, il est encore très vert mais a tout de même déjà perdu beaucoup de son feuillage.

Heureusement, le petit, un peu plus loin, était tout doré, et j’ai pu faire une petit bouquet de soleil. Et si cette promenade ne m’a pas émerveillée, elle m’a tout de même fait un peu de bien !

Le vent et la forêt qui pleurent/Toutes leurs larmes en automne feuille à feuille

L’automne est une des saisons les plus inspirantes pour les poètes. Et pourtant, lorsqu’il s’est agi pour moi de trouver un poème pour illustrer la carte dédiée à cette saison dans l’Oracle des poètes (dont je n’ai toujours pas reçu le prototype : j’ai vécu un Mercure rétrograde très premier degré, et outre que dès que je m’approchais d’un ordinateur au travail il faisait un caprice, mon oracle s’est perdu), j’ai eu du mal à trouver ce que je voulais : le message de la carte, c’est de se détacher de ce qui n’est plus utile et de laisser couler le flux de la vie, comme les arbres perdent leurs feuilles en automne pour que de nouvelles puissent pousser au printemps. Aucun poème que je trouvais ne m’appelait vraiment, sauf celui-là, mais j’avais un souci : je m’étais fixé comme règle qu’un poète n’apparaisse pas deux fois, et Apollinaire avait déjà la carte « Sensibilité » (et je tiens fermement à ce poème). J’ai donc dû changer la règle, et Apollinaire a deux cartes !

Automne malade

Automne malade et adoré
Tu mourras quand l’ouragan soufflera dans les roseraies
Quand il aura neigé
Dans les vergers

Pauvre automne
Meurs en blancheur et en richesse
De neige et de fruits mûrs
Au fond du ciel
Des éperviers planent
Sur les nixes nicettes aux cheveux verts et naines
Qui n’ont jamais aimé

Aux lisières lointaines
Les cerfs ont bramé

Et que j’aime ô saison que j’aime tes rumeurs
Les fruits tombant sans qu’on les cueille
Le vent et la forêt qui pleurent
Toutes leurs larmes en automne feuille à feuille

Les feuilles
Qu’on foule
Un train
Qui roule
La vie
S’écoule

Guillaume Apollinaire, Alcools, 1913

Et puisque ma carte de la semaine, c’est la carte « Musique », un petit coup de Vivaldi, ça fait toujours du bien !