La grande magie : écriture et astrologie

Galvanisée par cette nouvelle perspective qui s’offre à moi avec ma décision de devenir autrice indépendante, j’ai passé les derniers jours à exhumer de mes archives tous mes textes restés « en plan ». J’ai relu, un peu corrigé, mis en forme, histoire de me remettre sur les rails. Souvent, j’ai été absorbée dans un vortex où le temps et l’espace n’existaient plus, pour me rendre compte le soir venu que plusieurs heures étaient passées. Souvent, j’ai été stupéfaite par les coïncidences entre des écrits datant de plusieurs années et des événements survenus après. Je pense de plus en plus que l’écriture est une sorte de TARDIS.

C’est comme cela qu’hier, ayant relu le premier jet (sur lequel il y a beaucoup de travail) de mon deuxième roman, je me suis dit « tiens, si je faisais le thème astral de François ». François est mon personnage masculin, qui m’a donné beaucoup de fil à retordre à l’époque, car il avait un secret, mais ne voulait pas me le révéler, et ce pendant des dizaines de pages. Bon, désormais je connais ce secret, et le pourquoi du comment de ses gros défauts.

Donc, j’ai fait son thème astral, et j’ai d’abord été très impressionnée par la cohérence par rapport au personnage. Et surtout par ce magnifique amas de planètes en maison 4, très… révélateur, par rapport à son secret (chut !) (il n’y a pas strictement d’indice dans le titre). Mais surtout : je voulais qu’un événement qui survient dans sa vie soit lié à son « retour de Saturne », période propice aux crises personnelles. Me voilà donc en train de calculer quand avait eu lieu ce retour de Saturne pour le placer à la bonne date, ce n’était pas grand chose à modifier. Je n’ai pas eu besoin : l’événement était déjà à la bonne date. Je précise qu’à l’époque où j’ai écrit ça, je n’avais pas encore étudié l’astrologie. Je n’avais aucune idée de l’existence du retour de Saturne.

J’ai trouvé que c’était de la grande magie, encore une fois. Je ne sais pas si beaucoup d’écrivains font ça, faire le thème astral de leurs personnages, mais ça me donne une multitude de nouvelles perspectives, et c’est merveilleux !

Le Mystère de Jean l’oiseleur de Jean Cocteau, aux Editions des Saints Pères

Comment la beauté de l’art ne ferait-elle pas triste figure devant la beauté insolente, poignante des airs à la mode et des danses de music-hall ?
En effet, ceux-ci doivent donner toute leur force d’un seul coup et céder la place, alors que l’art doit répandre la sienne peu à peu, sur un espace de plusieurs siècles.

L’an dernier, à la même époque, je vous avais parlé des éditions des Saints Pères, qui s’adressent aux bibliophiles et leur proposent de magnifiques reproductions de manuscrits originaux, avec les manuscrits de la madeleine de Proust.

Le dernier né met à nouveau à l’honneur Jean Cocteau : après le scénario manuscrit de La Belle et la bête, c’est cette fois un texte rare et émouvant qui nous est offert : Le Mystère de Jean l’Oiseleurédité à 142 exemplaires seulement en 1925 (dont 12 hors commerce que Cocteau a offert à ses amis avec un dessin original) (un rêve de bibliophile) et jamais réédité depuis.

La genèse en est particulière : en 1924, dévasté par la mort de Radiguet, Cocteau s’enferme dans une chambre d’hôtel près de Nice. Dans cette chambre, le bureau fait face à un miroir : chaque jour, l’auteur reproduit alors inlassablement son visage, que pourtant il n’aimait pas. 31 autoportraits dont 14 en couleurs, sur lesquels il appose des notes, aphorismes, ce qui lui traverse l’esprit au moment de cet exercice d’introspection. Il écrit enfin la préface, et l’envoie à son éditeur, qui lui réclamait depuis longtemps une telle œuvre.

Émouvant, intime, le travail de Cocteau, ses dessins et ses notes où se mêlent mysticisme, quête existentielle, réflexions sur la mort et l’art, intertextualité, ne peuvent que toucher.

Et ce travail, l’édition présente le met particulièrement bien en valeur (en plus de le rendre accessible pour la première fois). Dans un coffret bleu azur, étoilé d’argent, se nichent deux volumes : la reproduction intégrale du manuscrit (volume 1), et une préface de Dominique Marny, vice-présidente du Comité Cocteau, suivie d’une analyse de l’œuvre par David Gullentops et d’une version tapuscrite des aphorismes qui permet de les lire plus facilement (volume 2).

Une merveille donc, voire une double merveille : le texte est précieux, l’objet est magnifique et ravira les bibliophiles.

Le Mystère de Jean l’Oiseleur
Jean COCTEAU
Editions des Saints Pères, 2016

A la main, ou à la machine ?

Ma visite au musée des lettres et des manuscrits m’a plongée dans des abîmes de réflexions métaphysiques. Ceci dit, tout chez moi est prétexte à des réflexions métaphysiques, même l’achat d’une paire de chaussures. Mais enfin, errer au milieu des écrits de nos chers génies m’a amenée à cette question : vaut-il mieux écrire à la main, ou à la machine ? Que préfère l’inspiration pour s’épanouir ? Le stylo ou le clavier ? Je sais bien, il n’y a pas de règle, mais tout de même…

Evidemment, pendant longtemps, les écrivains n’avaient pas le choix : ils écrivaient à la main, d’où le terme de manuscrit.

Et puis est venue la machine à écrire, emblème littéraire par excellence. Le tchic-tchic des touches, l’encre dont on tâche ses doigts en changeant le ruban, la page qu’on insère… tout cela fait partie d’une certaine imagerie un peu romanesque de l’auteur à son bureau. Et presque uniquement là, car de fait, même les machines portatives étaient peu transportables.

Mais l’objet lui-même est un fantasme, et je rêve d’une vieille Remington posée sur une belle table, dans un coin du salon.

Enfin, l’ordinateur est arrivé, le portable et le netbook, les tablettes qui permettent de prendre des notes n’importe où. C’est bien pratique : plus besoin de refaire toute une page parce qu’on a changé un mot ou ajouté une dizaine de lignes. Les paragraphes peuvent être coupés et collés à un autre endroit. Les corrections sont plus faciles, plus rapides, on peut multiplier les sauvegardes et éviter l’angoisse de perdre le Précieux dans un incendie, une inondation ou un cambriolage.

Aujourd’hui, aucun écrivain n’oserait remettre à un éditeur un manuscrit qui serait réellement manu-script (ou alors, un écrivain très en vue à qui on passe tous ses caprices).

Et pourtant, ils sont nombreux à écrire encore à la main, le clavier ne leur parlant pas : Paul Auster, Didier Van Cauwelaert, Amélie Nothomb vantent chacun à leur manière la sensualité de la création manuscrite. Le toucher du papier, le scritch-scritch du stylo, l’odeur de l’encre peut-être.

Ce qui est formidable, au-delà de la beauté d’une écriture qui est l’une des choses qui nous sont les plus personnelles, c’est que le manuscrit garde la trace d’un texte qui se construit. Les différentes versions, les ratures, les corrections sont tellement signifiants, et tout cela se perd avec l’ordinateur.

Et moi, dans tout ça ? Comme d’habitude, je ne choisis pas mon camp. Souvent, la première version est faite à l’ordinateur, parce que j’ai la hantise de la perte et que j’ai besoin pour être tranquille que chaque texte soit enregistré sur mes deux ordinateurs, mon disque dur portable et cinq clés USB (je vous ai déjà dit que je suis une grande angoissée ?).

Mais je corrige à la main, et comme je corrige beaucoup (souvent chaque page tapuscrite est doublée d’une page de corrections à la main) cela donne un texte hybride, avec des collages, des flèches, des renvois, un code de couleurs compris de moi seule.

Et il y a mon carnet Moleskine. J’ai toujours eu la passion des petits carnets mais depuis que je me suis offert ce mythique petit livret en cuir noir, j’ai acquis le réflexe d’y noter mes pensées les plus diverses. Cela donne un objet étrange, à la fois journal intime, recueil de citations et couveuse pour bribes de textes en devenir.

Et il est vrai que j’aime beaucoup cette sensualité qu’il y a à coucher ses réflexions dans un objet que l’on peut avoir toujours sur soi et sortir à n’importe quel moment. Par contre, si je le perdais, ça serait un vrai drame…

Et vous alors ? A la main ou à la machine ?

Le musée des lettres et des manuscrits

L’autre jour, mes pas m’ont enfin portée au musée des lettres et des manuscrits, boulevard Saint Germain. Cela faisait plusieurs mois que je désirais le visiter, sans pour autant en trouver l’occasion, mais comme j’avais très envie de voir l’exposition consacrée à Cocteau, celle-ci était enfin trouvée, d’autant qu’il faisait beau et que j’avais très envie de me balader sur le boulevard…

L’immeuble qui abrite le musée est un ancien hôtel particulier, au 222 (un peu plus haut que le Flore), pourvu d’une jolie cour : propre, lumineux, accueillant, dans un quartier finalement parfait pour ce genre d’institutions, on se sent tout de suite bien dans cet endroit auquel il ne manque qu’un café (sauf si on considère le Flore comme une annexe…).  

Le musée lui-même est divisé en deux parties : sur la mezzanine, la boutique (haut lieu de perdition) et les expositions temporaires, et en bas les collections permanentes.

En ce moment, l’exposition temporaire est consacrée à Cocteau. C’est une petite exposition, mais rudement intéressante, bien documentée, les objets exposés sont fascinants et l’ensemble retrace bien la vie et la carrière de Cocteau. Beaucoup d’éléments sont consacrés au cinéma, et ce serait presque mon seul reproche car finalement, n’est-ce pas redondant avec l’exposition de la cinémathèque ? A voir…

En regard de l’exposition consacrée à Cocteau, un hommage est rendu à Edith Piaf, une de ses proches amies. La légende veut qu’ils soient morts le même jour (ce qui n’est pas tout à fait vrai) et que la mort de Piaf aurait à la fois provoqué et éclipsé celle de Cocteau. Espace intéressant, composé essentiellement de lettres.

Quant aux collections permanentes… je pense que c’est un lieu où il faut aller plusieurs fois pour tout voir avec un minimum d’attention.

Les manuscrits et autres écrits sont répartis en domaines : Histoire, Sciences et découvertes, Musique, Arts, Littérature, cette dernière section étant bien entendu celle qui m’a le plus intéressée : avoir sous les yeux les mots écrits de la main de Proust, de Hugo, de Vian, de tant d’autres m’a littéralement envoûtée.

L’avantage en outre est qu’il y a peu de monde, on peut errer, vagabonder, rêvasser, admirer… enfin j’y étais bien, à m’imprégner de l’esprit de tant de génies. Oui, c’est un peu comme si ce lieu était habité, presque hanté, et j’en ferai certainement un lieu de… promenade ? Méditation ? Pèlerinage ? Régulier…

Disons que je pense que lorsqu’on aime l’écrit, on ne peut qu’aimer ce lieu !

Musée des lettres et des manuscrits (malheureusement fermé depuis)
222 bd Saint-Germain, Paris