La Dame d’argile, de Christiana Moreau : la sans pareille

Et le grand jour était arrivé. Ce moment décisif où tout va basculer, l’instant où l’on ne peut plus revenir en arrière, la seconde qui changera la vie.

L’autre jour, j’étais plongée dans les énergies de la Renaissance, de Botticelli et de sa naissance de Vénus, lorsque j’ai reçu ce roman de Christiana Moreau, dont une partie se déroule à cette époque, et où on croise d’ailleurs Botticelli et surtout son modèle. C’était un signe, et comme en plus j’avais vivement apprécié les deux premiers romans de l’auteure, La Sonate oubliée et Cachemire rouge j’étais en joie de m’y plonger immédiatement.

Ce roman nous fait voyager à travers le destin de quatre femmes à un tournant de leur vie, liées à travers les siècles par une statue. Sabrina, conservatrice au Musée des Beaux-Arts de Bruxelles, vient de la découvrir dans les affaires de sa grand-mère qui vient de décéder. Angela, la grand-mère, l’a emportée avec elle en quittant son Italie natale pour rejoindre son mari en Belgique : bien précieux, elle se transmet dans la lignée maternelle depuis des génération. Costanza, durant le quattrocento, fille d’un artisan potier, a pris tous les risques pour devenir sculptrice. Quant à Simonetta Vespucci, elle est devenue, grâce à sa beauté, le modèle de nombre d’artistes florentais, dont Botticelli.

On retrouve dans ce roman ce qui constitue de toute évidence les thèmes de prédilection de Christiana Moreau : l’art, l’Italie, et surtout les destins de femmes qui osent prendre des risques pour assumer pleinement leurs destinées, et qui se tissent les uns avec les autres. C’est un très beau roman, à l’écriture une nouvelle fois très sensuelle, que j’ai peut-être trouvé par moment un peu trop didactique, lorsque les personnages se font mutuellement part de leurs connaissances sur un sujet, ce qui est passionnant en soi mais manque de naturel, je trouve cela plus fluide lorsque ces discours sont pris en charge par le narrateur, mais c’est vraiment très personnel et cela n’a absolument pas abîmé mon vif plaisir à me plonger dans ces histoires de femmes admirables, l’histoire de l’art au quattrocento, et visiter Florence à toutes les époques à travers leurs yeux. Bon, le défaut principal est de donner envie d’aller à Florence, qui est bien sûr dans ma top liste, pour le jour où je pourrai voyager, et surtout voyager hors des périodes touristiques.

La Dame d’argile
Christiana MOREAU
Préludes, 2021

Instantané #89 (renaître après l’hiver)

A l’automne, je n’avais guère pris soin de mes plantations : on verra au printemps, m’étais-je dit, laissons passer les saisons mortes et intérieures ! J’avais donc laissé la ciboulette sécher dans son pot. Quelle ne fut pas ma surprise, l’autre jour, lorsque j’ai porté les yeux dessus, de constater qu’elle était en train de renaître, de reverdir, et que j’allais bientôt à nouveau pouvoir en manger ! J’ai aimé le symbole, encore une fois, quelque chose qu’on croyait mort et qui ne l’était pas.

Pour moi, le symbole était d’autant plus fort qu’il m’a rappelé un rêve dans lequel une personne chère et moi avions fait pousser de l’herbe (on en avait chacun un pot) qui ressemblait finalement à notre relation : morte en apparence mais ce n’était qu’une illusion (plus précisément : je n’avais pas compris le rêve sur le coup, mais là je le comprends mieux, je crois). Quelque chose qui reprend vie.

D’autant que, lorsque j’ai sorti le pot de son bac pour essayer de faire une photo qui ressemble à quelque chose (ce n’est pas trop réussi mais bon), j’ai malencontreusement réveillé toute une colonie d’escargots qui hibernaient. Colonie dont je ne sais pas trop quoi faire à l’heure où j’écris ces lignes, mais qui va devoir déménager bientôt parce qu’il est hors de question qu’ils se nourrissent de mes cultures, mais nous n’en sommes pas là pour l’instant. Bref : l’escargot, il symbolise la lenteur, mais si on regarde bien, une fois qu’il est en route, il ne chemine certes pas très vite, mais obstinément et sûrement. Et aussi, de par le fait qu’il hiberne, il évoque la renaissance, la résurrection.

Tout fait sens, tout fait signe, la vie est une forêt de symboles et au printemps se raniment les miroirs ternis et les flammes mortes.