Voyages dans mon jardin, de Nicolas Jolivot : l’émerveillement

Mon souvenir le plus ancien concernant ce jardin remonte à la petite enfance. J’ai trois ou quatre ans, je regarde la fleur épanouie d’un liseron. Sa blancheur éclate d’autant plus, sous un ciel gris, que le mur qui la porte est couvert de lierre sombre. Je suis subjugué par la beauté simple de cette corolle. Elle devient à cet instant mon premier choc esthétique et semble de surcroît vouloir me confier un secret à travers son pavillon en forme de bouche ouverte.
Si une simple fleur peut me ravir à ce point, je pressens qu’une infinité d’autres choses ordinaires sauront me consoler. Et s’il suffit de regarder pour éprouver un plaisir intense, alors je chercherai du regard partout dans le jardin, dans la rue, et plus loin s’il le faut.

Je ne peux pas vous raconter la joie intense que j’ai ressentie l’autre jour en recevant ce magnifique livre : elle est inexprimable. Tout comme l’émerveillement à le feuilleter, admirer les illustrations, lire les textes, apprendre, découvrir.

Avec ce beau livre, Nicolas Jolivot nous invite dans son jardin. Au fil des saisons, mois par mois, il décrit et peint ses transformations, ses travaux, attentif au moindre détail : les fleurs, les oiseaux, mais aussi les plus petits insectes. En filigrane, l’histoire du jardin au fil du temps, de 1821 à nos jours.

Et cet ouvrage mérite pleinement le qualificatif d’émerveillant : chaque page est une œuvre d’art, un poème, une ode à la vie et à la simplicité. Les couleurs, les formes, mais aussi les odeurs, les sons, les goûts. La beauté et l’harmonie. Partir en voyage dans ce jardin est une activité régénératrice, et instructive : au fil des pages, j’ai appris bien des choses sur la faune, la flore, et j’ai aussi été très inspirée d’un point de vue créatif. Ce livre m’a un peu rappelé le merveilleux Journal d’Edith Holden (si vous allez lire l’article, ce que j’ai écrit à l’époque va bien vous faire rire) et d’ailleurs il a pris place à ses côtés, dans la jungle urbaine, avec mes livres sur les plantes et la nature.

J’ai eu beaucoup de mal à choisir une page pour vous la montrer, tant elles sont toutes d’une délicatesse absolue, mais j’ai fini par me décider pour l’hibiscus :

Voyages dans mon jardin, de Nicolas Jolivot : l'émerveillement

Je suis totalement conquise, et je suis absolument certaine que ce livre fera un extraordinaire cadeau de Noël !

Voyages dans mon jardin
Nicolas JOLIVOT
HongFei, 2021

Instantané #124 (fleurir lorsque tout meurt)

Bizarre destin que celui du néflier du Japon, dont les fleurs s’épanouissent à l’automne et au début de l’hiver, et dont les fruits sont mûrs en début de printemps, lorsque les autres arbres fruitiers commencent à fleurir. Le néflier du Japon n’est donc pas comme les autres : il est à contre-temps, différent des autres. Je connais ça, ne jamais être sur le même tempo que tout le monde. En décalage perpétuel.

Et pourtant : le monde en a besoin, de ces décalés qui fleurissent au milieu de l’hiver, lorsque tout le reste est mort. De ces rebelles qui ne font rien comme les autres. Parce qu’ils sont, aussi, une lueur dans la nuit, du printemps dans les saisons intérieures. L’espoir que de meilleurs jours viendront et qu’il ne faut pas craindre les rigueurs des saisons froides : elles n’empêchent pas de fleurir.

Et je pense à Camus : Au beau milieu de l’hiver, j’ai découvert en moi, un invincible été.

Les saisons intérieures

Longtemps je n’ai pas aimé l’automne. L’hiver, on n’en parle même pas. Mais je crois que c’était pour une raison assez simple : en fait dans notre société on ne peut pas en profiter vraiment, de ces saisons intérieures, leur donner tout leur sens. En profiter, c’est-à-dire : ralentir le rythme, rester chez soi, se reposer. Voilà : ce que je déteste dans ces saisons, c’est devoir sortir alors qu’il fait tout froid, gris, pluvieux (et puis alors sortir pour faire quelque chose qui m’ennuie de plus en plus, vraiment). Bien sûr, il y a des choses merveilleuses à faire dehors, en automne : se promener pour admirer les arbres qui se parent de couleurs magiques, ramasser des choses, respirer à plein poumons. L’hiver aussi : une bonne promenade vivifiante lorsqu’il fait froid et sec. Le ski non, je ne crois pas que ce soit un truc pour moi mais par contre, j’adorerais essayer une promenade en raquettes.

Mais le cycle des saisons nous invite surtout, à l’image de la nature, au repos, au dépouillement, à l’introspection. J’en avais déjà parlé mais je le sens de plus en plus, ce besoin de me poser. De profiter de l’intérieur. Je l’ai raconté samedi : ces derniers temps, je m’étais vraiment attelée à retransformer mon appartement en version « nid douillet », comme si je savais que l’Univers allait m’accorder ces quelques jours d’isolement dont j’avais pas mal besoin pour faire le point. Un cocon pour cocooner : des bougies parfumées, des plaids partout, des lumières programmées pour s’allumer lorsque la nuit commence à tomber. Un stock de livres et de nourriture. Du matériel pour créer. Du temps pour écrire.

Il y a quelques jours j’ai commencé un nouveau défi des 100 jours, qui se terminera avec la nouvelle année, et je trouve que cette période de ralentissement est parfaite pour progresser dessus et c’est fou ce que les choses deviennent plus claires lorsqu’on y réfléchit au calme !

Alors bienvenue aux saisons intérieures : profitons de la nuit pour descendre en nous, affronter nos ombres, les comprendre, et leur apporter de la lumière ! C’est tout le sens de Samhain, que j’attends cette année avec une grande impatience d’autant qu’il y aura aussi une pleine lune : ça va secouer, mais pour notre bien !

Instantané #89 (renaître après l’hiver)

A l’automne, je n’avais guère pris soin de mes plantations : on verra au printemps, m’étais-je dit, laissons passer les saisons mortes et intérieures ! J’avais donc laissé la ciboulette sécher dans son pot. Quelle ne fut pas ma surprise, l’autre jour, lorsque j’ai porté les yeux dessus, de constater qu’elle était en train de renaître, de reverdir, et que j’allais bientôt à nouveau pouvoir en manger ! J’ai aimé le symbole, encore une fois, quelque chose qu’on croyait mort et qui ne l’était pas.

Pour moi, le symbole était d’autant plus fort qu’il m’a rappelé un rêve dans lequel une personne chère et moi avions fait pousser de l’herbe (on en avait chacun un pot) qui ressemblait finalement à notre relation : morte en apparence mais ce n’était qu’une illusion (plus précisément : je n’avais pas compris le rêve sur le coup, mais là je le comprends mieux, je crois). Quelque chose qui reprend vie.

D’autant que, lorsque j’ai sorti le pot de son bac pour essayer de faire une photo qui ressemble à quelque chose (ce n’est pas trop réussi mais bon), j’ai malencontreusement réveillé toute une colonie d’escargots qui hibernaient. Colonie dont je ne sais pas trop quoi faire à l’heure où j’écris ces lignes, mais qui va devoir déménager bientôt parce qu’il est hors de question qu’ils se nourrissent de mes cultures, mais nous n’en sommes pas là pour l’instant. Bref : l’escargot, il symbolise la lenteur, mais si on regarde bien, une fois qu’il est en route, il ne chemine certes pas très vite, mais obstinément et sûrement. Et aussi, de par le fait qu’il hiberne, il évoque la renaissance, la résurrection.

Tout fait sens, tout fait signe, la vie est une forêt de symboles et au printemps se raniment les miroirs ternis et les flammes mortes.

Les arbres, l’hiver

L’autre jour, j’ai réalisé que je n’avais jamais vraiment fait attention aux arbres, l’hiver.

Pour tout dire, j’ai toujours un peu fait comme si cette saison n’existait pas, juste un mauvais moment à passer en attendant les beaux jours.

Alors je ne serai jamais je pense de ces gens dont la saison préférée est l’hiver : j’aime le cocooning, les feux de cheminée, le chocolat chaud et les plaids tout doux, mais je préfère tout de même la chaleur et les terrasses.

Nonobstant je crois que cette année, pour la première fois, j’ai un peu mieux saisi le sens de l’hiver, sa raison d’être : l’intériorité, le repos, l’introspection. La nuit, aussi, pour que puisse renaître la lumière.

Alors, les arbres. Je les aime à la folie au printemps, parés de leurs fleurs, feuillus en été, mordorés à l’automne.

Mais cette phase hivernale est nécessaire aussi : ce dépouillement, ce dénuement, cette vulnérabilité. Mourir un peu, ou plutôt, laisser mourir ce n’est plus utile, pour pouvoir renaître.

Et en ce moment je me sens comme eux : je me suis dépouillée de beaucoup de choses que je croyais essentielles et qui ne l’étaient pas. Je me sens vulnérable, à nu. J’attends que de nouvelles feuilles poussent, en espérant qu’elles soient belles.

C’est le cycle des saisons