Onze histoires de séduction

Jeu cruel ou hasard miraculeux, la séduction tient ainsi à l’approche du mystère de l’autre, à cette volonté de le dénuder pour en apprécier la vérité. Ces onze nouvelles en sont autant d’explorations, heureuses ou navrantes. Il n’y a plus qu’à souhaiter qu’elles aient, à leur tour, l’art de vous plaire.

Pour la troisième années consécutive, Le 1 hebdo (excellent hebdomadaire s’il en est, même si j’oublie toujours d’en faire un article) propose pour l’été un recueil de nouvelles collectif, qui rassemble les plus grandes plumes actuelles.

Le thème de cette année est la séduction, qui ne pouvait donc que me séduire (oui je sais, elle était facile) et que je vois comme un signe, puisque c’est pile dans mes sujets de recherche actuels (toujours le Truc, qui désormais a dépassé ma thèse en nombre de signes, il faudra que j’élague).

Onze nouvelles, onze auteurs qui déploient la séduction dans tous les sens.

Philippe Claudel nous entraîne dans un futur dystopique (mais pas du tout irréaliste vu l’ambiance actuelle), où la séduction est interdite et où les rencontres ne peuvent se faire que par le biais de contrats passés par smartphones interposés.

Chez Véronique Olmi, une pianiste célèbre veut inscrire son fils dans une prestigieuse école privée, dont elle doit séduire la directrice.

Philippe Jaenada séduit les filles grâce à Proust.

Monica Sabolo nous présente deux adolescentes qui séduisent un garçon pour qu’il fasse leur devoir de physique.

François-Henri Désérable s’intéresse au couple formé par Frida Kahlo et Diego Rivera, et à une anecdote que personne ne connaît.

Chez Carole Martinez, un garçon qui a peur des filles se transforme en Don Juan.

Pour Foenkinos, la séduction se conjugue avec le bonheur.

Leonor de Recondo nous fait passer une étrange nuit à Versailles.

Lola Lafon nous raconte un viol conjugal dont la victime est trop séduisante pour être crédible.

Olivier Adam met en scène un mec en perdition qui se fait casser la gueule par le mari de la femme qu’il a séduite, mais peut-être pour son bien.

Enfin, chez Kaouther Adimi, un couple d’amoureux doit monter un projet fou pour pouvoir se marier.

J’ai pris beaucoup de plaisir à lire ce recueil, dont toutes les nouvelles m’ont plu, même si c’est à des degrés divers, ce qui est normal, et pas seulement lorsqu’il s’agit d’un sujet aussi intime que la séduction.

Chaque auteur s’empare du thème et le traite dans l’univers qui lui est propre, et c’est tout l’intérêt de ce type de recueils : retrouver des plumes et des univers qu’on apprécie, en découvrir de nouveaux parce qu’on ne peut pas avoir lu tout le monde malheureusement (cela dit, il y en a peu que j’ai découverts dans ce recueil, seulement deux, Lola Lafon et Kaouther Adimi).

Bien sûr j’ai mes nouvelles préférées : celle de Claudel, parce qu’elle tourne autour de quelque chose qui réellement me fait très très peur dans l’évolution de la société, celle de Jaenada qui m’a beaucoup fait rire par son autodérision et parce qu’on le retrouve totalement, et celle de Carole Martinez, qui est d’une grande délicatesse (et comme Carole Martinez publie peu, c’est un délice de la retrouver).

Mais encore une fois, toutes m’ont plu, touchée, fait réfléchir, et ça c’est essentiel ! Et en prime, elles sont très joliment illustrées !

A découvrir absolument, sur la plage ou ailleurs !

Onze histoires de séduction
Le 1, 2018

Frida, de Julie Taymor

Il y a eu deux accidents dans ma vie, Diego, l’autocar puis toi. Tu es indéniablement le pire. 

Je n’avais jamais vu ce film, alors même que depuis longtemps je m’intéresse beaucoup à Frida Kahlo, la femme et l’œuvre. Il faut dire qu’à sa sortie, j’étais plutôt occupée, et après, je n’en ai pas trop eu l’occasion. L’autre soir, je suis tombée dessus par hasard, et j’ai donc comblé cette impardonnable lacune.

Adaptation d’un roman de Hayden Herrera, le film retrace le parcours exceptionnel de cette femme libre que fut Frida Kahlo : l’accident de bus aux séquelles irréversibles qui la poursuivront toute sa vie, sa peinture totalement atypique, son engagement communiste, sa bisexualité et sa liaison supposée avec Trotsky, et bien sûr, sa passion faite de hauts et de bas pour Diego Rivera.

Lumineux, magnifiquement interprété (Salma Hayek n’interprète pas Frida, elle est Frida, tant physiquement qu’émotionnellement, allant jusqu’à peindre réellement dans certaines scènes), le film est, malgré quelques longueurs, un régal, car il parvient à rendre parfaitement le caractère exceptionnel de cette femme libre qu’était Frida, Artiste avec un grand A, corps souffrant et âme souffrante qui parvient à insuffler à ses œuvres quelque chose de l’ordre de la pulsion de vie qui transparaît ici de manière évidente.

Très sensuel, très coloré, dégageant une réelle énergie, il fait la part belle aux tableaux, à la pulsion créatrice, mais se concentre aussi et surtout sur son amour/passion pour Diego Rivera, quelque peu étonnante d’ailleurs : mais chez Frida, la passion amoureuse et la peinture sont intrinsèquement liées, deux faces d’une même médaille, celle de la célébration de la vie qui transcende la souffrance.

Un très beau film, donc, que je regrette d’avoir mis si longtemps à voir !

Frida
Julie TAYMOR
2002

Frida Kahlo. Les ailes froissées, de Pierre Clavilier

Moreno Villa a raison, l’œuvre de Frida Kahlo, à l’écart de tout mouvement artistique, recèle des zones mystérieuses qui font écho aux périodes sombres de sa vie. La richesse des couleurs transpose à la fois ses plus vives douleurs et son insatiable enthousiasme. Dans ses tableaux-miroirs, Frida inscrit l’énigme de la destinée.

Cela faisait longtemps que j’avais envie de découvrir un peu plus avant la vie de Frida Kahlo, qui fait partie des artistes qui me fascinent, sans pour autant prendre le temps de le faire.

Et puis, dernièrement, j’ai découvert une très belle pièce, Le Petit cerf, écrite par May Bouhada, l’auteure avec qui je travaille en résidence d’artiste, et qui met en scène la peintre mexicaine. J’ai donc eu envie d’aller plus loin et de lire cette biographie que lui consacre Pierre Clavilier, et que j’avais repérée depuis quelque temps.

Et c’est un destin hors-normes qui nous est donné à voir dans cette biographie qui parvient parfaitement à lier la femme et l’œuvre — les deux étant de toute façon indissociables.

Destin d’héroïne tragique : marquée dans sa chair par une maladie infantile puis un terrible accident de bus dont elle ne se remettra jamais vraiment, Frida fait de la douleur, sa plus fidèle compagne, la base de son travail artistique.

Du corps souffrant elle tire la beauté.

Car il y a en Frida Kahlo une énergie absolument extraordinaire, qui fait d’elle non seulement une artiste d’exception, mais une femme proprement étonnante, libre, indépendante, anticonformiste.

Une femme qui, c’est assez rare pour être signalé, finira par éclipser son mari dans l’histoire de l’art : si, lorsqu’ils se sont rencontrés, Diego Rivera était un artiste extrêmement connu, il est aujourd’hui, essentiellement, « le mari de Frida ».

Cette biographie, extrêmement précise et documentée, est donc un plaisir à lire, et je vous la recommande chaudement !

Frida Kahlo. Les Ailes froissées. (lien affilié)
Pierre CLAVILIER
Editions du Jasmin, 2006 (rééd. 2014)