Quand un type brillant essaie de séduire une femme, celle-ci a l’impression d’entrer en compétition. Elle se sent obligée de briller elle aussi. De ne pas se donner sans résistance. Alors que l’insignifiance la libère. L’affranchit des précautions. N’exige aucune présence d’esprit. La rend insouciante et, partant, plus facilement accessible.
L’autre jour, alors que je me délectais de Risibles Amours, je discutai avec un collègue de Milan Kundera, et nous nous lamentions tous deux sur le fait qu’il ne publiait plus et que, sans doute, vu son âge, il ne publierait plus jamais. Le jour même (la vie est taquine), je tombe sur un article annonçant la publication de ce roman, qui bizarrement est d’abord sorti en Italie.
Résumer ce roman est un exercice difficile, donc je m’en tiendrai à l’essentiel. Une ronde de personnages, Alain, Ramon, Charles et Caliban, qui refusent de se laisser avoir par l’esprit de sérieux.
C’est court, vif, drôle voire cocasse, mais c’est surtout très Kundera. Si Risibles Amours contenait en germe l’essentiel de son œuvre romanesque, ce roman la clôt (pour l’instant) de manière magistrale, en en reprenant les thèmes obsédants et en suivant le fil rouge de la vie comme vaste plaisanterie : du monde comme théâtre de marionnettes à la vacuité des Don Juan en passant par Eros et Thanatos, il constitue finalement une sorte de testament au narrateur taquin, n’hésitant pas à se moquer de Staline et à traiter l’ensemble avec désinvolture.
Car, qu’on se le dise : le plus grand des maux du monde, c’est l’esprit de sérieux, contre lequel il faut lutter par l’insignifiance !
La fête de l’insignifiance (lien affilié)
Milan KUNDERA
Gallimard, 2014