Phrères, de Claire Barré

Phrères, de Claire Barré

Certains êtres ne sont tout simplement pas faits pour habiter la vie. Trop sensibles, intenses, poreux. Incapables de se contenter du plaisir simple d’exister. Dans la rage du monde, sa violence.

Intrigant ce titre, n’est-il pas ?

Reims, 1925. Ils sont quatre adolescents à constituer le groupe poétique des « phrères simplistes » : Lecomte, Daumal, Vailland dit le dandy et Meyrat dit la Stryge. Leur vie est tout entière consacrée à leur art, et leur projet pour l’année suivante est de partir faire leurs études à Paris, et d’y fonder une revue poétique. Mais le père de Lecomte refuse ce départ : son fils fera médecine. L’adolescent décide donc de se suicider…

Ecrit d’après une histoire vraie, ce roman n’est évidemment pas sans rappeler, dans les grandes lignes, le cultissime Cercle des poètes disparusEn plus fort encore.

Pour les phrères simplistes, il n’y a d’autre religion que la poésie, et Rimbaud est son prophète (avec Baudelaire, Lautréamont, Nerval et quelques autres). Etre poète pour eux, c’est habiter le monde d’une certaine façon, sans compromis, c’est approuver la vie dans tout ce qu’elle a à offrir, absolument — quitte à ce que ce soit la mort.

Le roman est entièrement construit autour de ce climax tragique qu’est le sacrifice des deux adolescents et, habité, tissé de poésie, il montre encore une fois l’affrontement entre la pulsion de vie et la pulsion de mort, Eros et Thanatos.

L’écriture, la création poétique est un culte : très mystique et ésotérique, le texte multiplie les références religieuses païennes : les dieux de l’antiquité, Isis, l’enthousiasme, le chamanisme, le sacré et les métempsycoses, les prophéties hallucinées dignes de la Sibylle de Cumes, les mystères d’Eleusis. Le sexe et l’érotisme. Langage sacré, la poésie vise alors à retrouver le sens caché des choses

Dans une langue à la fois crue, violente, charnelle et poétique, Claire Barré, avec ce roman, rend hommage à la fois à la poésie en ce qu’elle a de plus exigeant et de plus mystérieux, et à un groupe de poètes finalement assez méconnus. Un très beau roman, qui ravira ce pour qui la littérature est l’objet d’un culte…

Phrères (lien affilié)
Claire BARRÉ
Robert Laffont, 2016

11 réponses à « Phrères, de Claire Barré »

  1. Avatar de Asphodèle

    Huuummm…tentant très tentant mais si c’est un peu trop axé sur la poésie « élitiste » avec métempsychose et tout le toutim, j’ai peur de ne pas accrocher ! Finalement s’ils sont restés méconnus ces poètes (malgré leurs mentors) il y a peut-être une raison ? Cela dit, cela n’empêche que leur vie ait pu être intéressante ! 😉

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    1. Avatar de Caroline Doudet (L'Irrégulière)

      Ce n’est pas élitiste, en fait : ils ont une conception du monde mais l’auteure permet qu’on y accède assez facilement

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      1. Avatar de Asphodèle

        Ouf alors ! 😉 Parce que la poésie ampoulée (trop) de mythologie c’est beau certes mais souvent abscons pour ceux qui n’ont pas lu la mythologie (ou autres références très classiques)…

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  2. Avatar de lorouge

    Ces premières phrases que tu donnes en extrait sont très belles… Tu m’intrigues, j’irais le feuilleter dans ma librairie :0)

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    1. Avatar de Caroline Doudet (L'Irrégulière)

      J’espère que tu auras envie d’aller plus loin !

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  3. Avatar de coupsdecoeurgeraldine

    Dans la lignée du cercle des poètes disparu mais en plus… tu m’intrigues… Pourquoi pas ?!

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  4. Avatar de Le Souffle, de Denis Strulevitch Marrisson | Cultur'elle

    […] ce texte, constitué d’un assemblage hétéroclite : un projet de revue en hommage aux Phrères Simplistes, des notes, manifestes et poèmes. Ce qui lie l’ensemble ? Une certaine idée de la […]

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  5. Avatar de Comment je n’ai pas écrit de film sur Sitting Bull, de Claire Barré | Cultur'elle

    […] précédent roman de Claire Barré, Phrères, m’avait fait forte impression notamment par la manière dont il abordait certains sujets […]

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  6. Avatar de Soyez le poète de votre vie, de Jacques de Coulon : mieux vivre grâce à la poésie-thérapie – Caroline Doudet

    […] Nerval et Baudelaire, dont je ne me lasserai jamais, ainsi que d’autres comme Rilke, Breton, Daumal, Apollinaire, mais aussi des philosophes comme Nietzsche. Mais, essentiellement, des poètes au […]

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  7. Avatar de Pourquoi je n’ai pas écrit de film sur Sitting Bull, de Claire Barré – Caroline Doudet

    […] précédent roman de Claire Barré, Phrères, m’avait fait forte impression notamment par la manière dont il abordait certains sujets […]

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