Hier soir, je me suis endormie en me demandant ce que je faisais pour l’Amour, l’inévitable Amour, le plus grand don de Dieu. Des livres, des millers de livres me disent que l’Amour est Tout. Est-ce plus que la renommée, plus que le travail, plus que la philosophie et la science ? Certains livres répondent oui, d’autres occultent l’amour. Pour ma part, j’ai appris peu à peu, lentement, que j’avais besoin d’amour.
J’en ai mis du temps, avec ce troisième volume des journaux de jeunesse d’Anaïs Nin. Plusieurs raisons à cela, et la première est que la lecture n’en est pas facile, d’un point de vue pratique : le livre est gros, il pèse 1,3 kg, ce qui fait que je ne l’ai pas touché de l’été, ne pouvant l’emporter avec moi ; je ne l’ai repris que tardivement début décembre, sur une impulsion, et là encore je n’ai pas progressé très vite, gênée par son poids. Je tiens à l’avoir dans ma bibliothèque, avec toutes les œuvres de l’autrice, mais pour la lecture, le numérique aurait été plus simple.
Ce volume commence au lendemain du mariage d’Anaïs avec Hugh. Au fil des pages, elle découvre les joies du couple (même si elle ne dit pas un mot de sa nuit de noces, nous y reviendrons), mais aussi ses déceptions, d’autant que ce début de mariage est gâché par sa mère, de plus en plus toxique. Anaïs est, de plus, partagée entre la femme et l’écrivaine, et se fait beaucoup de nœuds au cerveau. Très vite, ils déménagent à Paris pour le travail de Hugh, et Anaïs déteste cette ville.
Ce volume ne restera pas mon préféré, ce qui explique aussi en partie le temps que j’ai mis à le terminer. Bien sûr, comme pour les autres volumes, j’ai été subjuguée par son talent, sa sensibilité, son sens du beau et de la poésie, son amour des livres (et elle donne bien des envies de lectures, malheureusement pas toujours réalisables), et je me suis beaucoup reconnue dans certaines pages.
Mais elle m’a aussi beaucoup agacée par sa pruderie : on parle tout de même d’Anaïs Nin, la grande prêtresse de l’érotisme, et j’imaginais donc que son mariage allait être, de ce côté-là, une révélation. Pas du tout : non seulement elle ne dit pas un mot de sa nuit de noces, comme je l’ai dit, ce qui m’a semblé très bizarre, mais encore toute la dimension charnelle du mariage est le point aveugle de ce volume, et semble la gêner et même la rebuter, on le sens dans sa manière de critiquer Paris et ses habitants pour leur sensualité. Anaïs est sensuelle, pourtant : elle aime le beau, le confortable, tous les plaisirs des sens mais pas encore ceux du sexe. Peut-être aussi que Hugh ne savait pas s’y prendre, je ne sais pas.
Toujours est-il que si ce volume est intéressant pour son évolution en tant qu’écrivaine, son éclosion en tant que femme tarde à venir, et je crains qu’il ne faille attendre sa rencontre avec Miller pour que la révélation se produise !
Journaux de jeunesse (1914-1931) / III. Journal d’une jeune mariée (1923-1927)
Anaïs NIN
Traduit de l’anglais par Béatrice Commengé
Stock, 2010









Un petit mot ?