Poison florilegium, d’Annalena McAfee : les vénéneuses

Mais ce soir, sur le chemin du retour, tandis qu’elle s’apprête à retrouver son atelier et l’œuvre majeure qu’elle vient tout juste d’achever, son sentiment de légitimité est revenu, enfin. Ces années de combat ont payé. Certes, ces sacrifices lui auront coûté cher, mais personne ne pourra contester la grandeur de sa dernière œuvre ; une œuvre pionnière, bien sûr, mais qui sera aussi le point culminant d’une réflexion de toute une vie. Toutes les routes — intellectuelle, technique, esthétique, émotionnelle — mènent ici. 

Peintre botaniste (même si elle déteste ce terme et qu’au fond elle n’a pas tort car cela renvoie son œuvre à de l’art décoratif), Eve Laing vient, à 60 ans, de quitter son mari. Pas simplement parce qu’elle a une liaison avec son jeune assistant, Luka, qui a fait renaître en elle l’impérieuse autorité du désir.

Mais elle a en chantier son chef-d’œuvre, qui lui permettra de rendre justice à toutes les femmes oubliées de l’histoire de l’art. Une œuvre monumentale, consacrée aux fleurs les plus vénéneuses… Mais il n’y a peut-être pas que les fleurs, dont la beauté cache le poison…

Un roman absolument prodigieux qui mêle réflexions sur l’art, la création au féminin et thriller. Pour tout dire, je me suis laissé mener par le bout du nez : la construction ingénieuse nous fait suivre Eve la veille de Noël sur le chemin du retour à son atelier, après l’achèvement du Poison Florilegiumet le roman se construit par séries d’analepses, de la jeunesse d’Eve au jour même.

C’est alors une plongée dans un questionnement sur l’art contemporain, les performances, et la place des femmes dans l’art : Eve peint des fleurs, et subit le mépris car voilà, les fleurs c’est féminin, c’est mignon, mais ce n’est pas du grand art. Il est aussi question de maternité, qui ici est un frein à la création (et Eve préfère ses tableaux), et de renaissance du désir : cela donne un ensemble subtil et profond, très sensuel par moment, sur la beauté et le sexe et le danger et cela m’a beaucoup fait penser au magnifique Un monde flamboyant de Siri Hustvedt.

Mais ce n’est pas (seulement) un roman sur l’art : il règne une ambiance inquiétante, on sent que quelque chose ne va pas, que même en plongeant dans l’intériorité d’Eve on ne sait pas tout, Eve elle-même est un personnage complexe dont on ne sait trop quoi penser, tout comme les autres d’ailleurs… et je n’en dirai pas plus !

Bref : j’ai adoré ce roman, ses thématiques et aussi me faire un peu rouler dans la farine… N’hésitez pas !

Poison Florilegium (lien affilié)
Annalena McAFEE
Traduit de l’anglais par Sarah Tardy
Belfond, 2020

5 réponses à « Poison florilegium, d’Annalena McAfee : les vénéneuses »

  1. Avatar de coupsdecoeurgeraldine

    Je n’avais encore pas entendu parler de ce roman. Pourquoi pas, si le côté divertissant du thriller permet d’aborder des thèmes plus profonds !

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  2. Avatar de lorouge

    J’ai adoré Un monde flamboyant alors forcément, tu me tentes 😉

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    1. Avatar de Caroline Doudet

      C’est quand même différent, mais l’idée de base est assez semblable

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  3. Avatar de Térébenthine, de Carole Fives : croire encore en la peinture – Cultur'elle

    […] de ces thèmes un peu partout autour de moi. De manière différente mais tout aussi pertinente que Poison Florilegium, Térébenthine se penche sur l’histoire de l’art et la place qu’y tiennent les […]

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  4. Avatar de Térébenthine, de Carole Fives : croire encore en la peinture – Caroline Doudet

    […] de ces thèmes un peu partout autour de moi. De manière différente mais tout aussi pertinente que Poison Florilegium, Térébenthine se penche sur l’histoire de l’art et la place qu’y tiennent les […]

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